Jeune chef de chantier en 1958

SOPHIE LEBRUN

RENCONTRE

Frans Cools a suivi avec attention la rénovation de l'Atomium. «Il y a tout juste 50 ans, en 1956, j'entamais ce chantier où j'allais travailler pendant dix-neuf mois», calcule-t-il. Il n'a alors que 27 ans -mais déjà dix ans d'expérience professionnelle, entre autres dans le châssis à molette de Belle-Fleur et un pont de 780 mètres au Congo- quand il est promu chef de chantier pour les Ateliers de construction Jambes-Namur en charge du montage de l'Atomium. Un véritable défi.

Et un chantier où Frans Cools se sentira «un peu en famille»: deux de ses frères, un beau-frère et un neveu y travailleront aussi.Dans sa maison de Tessenderlo, les souvenirs de cette expérience unique trônent en bonne place. En premier lieu les reproductions du célèbre monument: l'officielle, modèle réduit doré, reçue à la fin du chantier; la version scintillante, style «boule à facettes», qu'il a réalisée lui-même; et la maquette, en bois peint qu'un pensionné passionné a fabriquée. Des photos de 1958 ornent les murs, d'autres remplissent des albums entiers: Frans Cools en jeune père expliquant la forme de l'Atomium à ses deux fils au moyen de pommes de terre et de fourchettes, le chef de chantier en compagnie de Léopold III, de Baudouin Ier, du Premier ministre Van Acker; et d'innombrables photos de la construction, qui permettent de prendre la mesure du temps parcouru.

Avec les moyens du bord

«Aucune construction de ce type n'existait, c'était énorme pour l'époque: on n'avait pas les grues et flèches qu'ils ont aujourd'hui!», compare Frans Cools. Qui insiste sur la complexité du bâtiment: «Rien avoir avec la tour Eiffel, qui constituait un montage assez ordinaire, en petit fer, pièce par pièce.» En l'absence de grues, c'est au moyen d'immenses mâts, de treuils électriques et de câbles -la préparation du chantier prendra dix mois- qu'est assemblé le grand meccano de l'Atomium. Un chantier dont l'ampleur est difficile à imaginer aujourd'hui: les treuils, profondément ancrés dans le sol, qui tenaient les mâts en place étaient distants de 250 mètres de part et d'autre de l'Atomium. «Au début, pas de souci, on était les premiers sur le terrain de l'Expo. Mais quand les autres pays sont arrivés pour construire leurs pavillons, nos câbles étaient dans le chemin...»

Les ouvriers voltigeurs n'étaient pas harnachés comme ceux d'aujourd'hui. «Et ils s'accrochaient où et quand ils pouvaient: on partait de rien, on devait tout monter au fur et à mesure.» Malgré ces conditions, «on n'a eu à déplorer aucun accident grave!» se réjouit Frans Cools.

Pas de téléphone mobile: «On communiquait beaucoup par signes et par cris. Ce n'est que tout à la fin que j'ai eu un téléphone de l'armée», se souvient Frans Cools. Jusqu'à 125 hommes ont travaillé simultanément sur le chantier lors du montage des pièces métalliques proprement dit, qui n'a duré que neuf mois, indique-t-il fièrement. Les constructeurs du monde entier venaient de loin pour admirer le savoir-faire en action, notamment les bipodes de 110 tonnes assemblés au sol et ensuite montés. «C'était exceptionnel pour l'époque.»

Inutile de dire que la rénovation de l'Atomium remplit de joie Frans Cools, lui qui l'a vu se dégrader progressivement: «Son existence était prolongée d'année en année, il n'a donc jamais bénéficié d'un grand entretien.» Frans Cools, 76 ans, retournera avec joie dans ce lieu chargé de souvenirs. C'est là, dans le restaurant panoramique, qu'il a célébré ses 50 ans de mariage.

© La Libre Belgique 2006

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