L’automne belge de Nicholas Angelich

Nicholas Angelich est aujourd’hui l’un des plus grands pianistes de sa génération, un artiste profond et généreux, en étroite affinité avec les grands romantiques, Brahms en particulier. De nationalité américaine, formé à Paris et international de nature, il parle (notamment) un français parfait et mêle dans sa façon de communiquer une aisance de diplomate et des timidités d’enfant. Nous l’avons rencontré à l’orée d’un automne belge : trois concerts imminents, dans le cadre du festival "Le piano dans tous ses états", à Liège, et un autre à Bruxelles, en novembre, avec le London Philarmonic Orchestra dirigé par Vladimir Jurowski (il y jouera le 2 e concerto de Brahms, qu’il vient d’enregistrer).

Martine D. Mergeay

Entretien Nicholas Angelich est aujourd’hui l’un des plus grands pianistes de sa génération, un artiste profond et généreux, en étroite affinité avec les grands romantiques, Brahms en particulier. De nationalité américaine, formé à Paris et international de nature, il parle (notamment) un français parfait et mêle dans sa façon de communiquer une aisance de diplomate et des timidités d’enfant. Nous l’avons rencontré à l’orée d’un automne belge : trois concerts imminents, dans le cadre du festival "Le piano dans tous ses états", à Liège, et un autre à Bruxelles, en novembre, avec le London Philarmonic Orchestra dirigé par Vladimir Jurowski (il y jouera le 2 e concerto de Brahms, qu’il vient d’enregistrer).

Vous êtes né aux Etats-Unis, vous venez d’une famille de musiciens, votre mère fut votre premier professeur, et pourtant vous avez tout quitté pour venir étudier à Paris avec Aldo Ciccolini.

Notez que ma famille est très exotique : ma mère est russe, mais d’ascendance slovaque et roumaine et mon père vient du Monténégro (très reconnaissant à l’Amérique, "terre d’accueil et de liberté" !). Et en tant que violoniste au Symphonique de Cincinatti, mon père a joué avec les plus grands, ce qui crée pour moi une filiation précieuse. Quant à ma mère, elle fut en effet mon premier et seul professeur jusqu’à mon départ pour Paris. Aujourd’hui encore, elle reste un guide extraordinaire, à la fois héritière de l’école russe et de la lignée de Cortot que j’ai retrouvée chez Aldo Ciccolini, plus toute la famille de ce dernier, en particulier Artur Schnabel et Wilhelm Backhaus

Vous dédiez une partie importante de votre art aux Romantiques et à Brahms

Ce ne fut pas toujours le cas. Avant d’arriver à Paris, j’adorais Chopin et le répertoire contemporain En découvrant Brahms, j’ai découvert une écriture pianistique unique, très naturelle, organique, et un univers propre (comme celui de Schumann, découvert plus tard). J’aime rencontrer la complexité des compositeurs, leurs paradoxes, et Brahms offre cette complexité. Sa musique est d’une richesse exceptionnelle mais elle est aussi transparente, polyphonique, pleine d’affects subtils.

On ne peut pas en dire autant de ses interprétations, souvent bien lourdes ( diplomate ). Chacun le rejoint par son propre chemin. Il est de toute façon impossible d’aller jusqu’au bout de ce que contient une œuvre et les différences font toujours réfléchir. L’essentiel est que l’interprète soit dans un rapport sincère avec le texte; ce qu’il est vraiment s’exprimera, d’une façon ou de l’autre, quel que soit son choix d’interprétation; inutile donc de chercher l’originalité comme telle, cela n’a pas de sens, ni d’effet.

Vivre avec des compositeurs d’élection, c’est aussi se soumettre à leur empreinte

Chaque compositeur a son ambiance, il faut l’aborder avec fraicheur, avec innocence, en se disant que le temps est parfois long avant que le compositeur "soit là". Beethoven, par exemple

Pourquoi lui ?

Il exige d’aller toujours plus loin, son écriture est à la fois très abstraite - surtout ses dernières œuvres - et terriblement émotionnelle, c’est parfois terrible. Il est donc indispensable de faire des choses contrastées, de ne jamais céder à la routine. J’avais délaissé Chopin : aujourd’hui je m’y remets et je sens que c’est bon. Cela vaut aussi pour le type de concert que l’on donne : en récital on est libre, mais on est seul, et le retour à la musique de chambre peut alors faire un bien fou !

Et l’étape suivante ?

Toujours difficile de parler de ce qu’on veut faire et plus encore de ce qu’on veut être. Je vais avoir 40ans - mais 40 ans aujourd’hui c’est comme 20 ans avant ! - et je sens que je réfléchis autrement, je veux répartir mes énergies de façon plus juste. Si la musique donne beaucoup, elle prend beaucoup aussi. J’admire ceux qui peuvent, en plus, mener une vie de famille C’est une autre forme de complexité. On ne peut pas tout faire, et même sans contrainte, il faut faire des choix.

A la Salle philharmonique de Liège, les 13, 15 et 16 octobre. www.opl.be et au Bozar, le 15 novembre, www.bozar.be

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