Avec ses vents, Dominique A perce les nuages
On aurait bien aimé écrire que "Rendez-nous la lumière", premier simple issu de "Vers les lueurs", le nouvel album que Dominique A sort ces jours-ci, tournait en boucle sur toutes les ondes. Jusqu’à l’écœurement, pourquoi pas, comme c’est trop souvent le cas. Et bien non ! Les responsables de la programmation de nos radios publiques ont considéré que le chanteur français correspondait davantage aux auditeurs de la Première. Pure FM aussi, mais uniquement le soir. Allez comprendre. Les critiques encensent Dominique A, le grand public ne suit pas. "C’est vrai que le grand public ne me connaît pas. Il me semble pourtant que cela fait des années que je fais des chansons qui vont vers les gens. Dans "L’horizon" il y avait "Dans un camion", dans "La musique", il y avait "Immortel". Si celle-là ("Vers la lumière") peut être une invitation, j’en serais ravi. Dans mon esprit, j’ai confectionné beaucoup de tubes qui n’en ont pas été" , sourit l’intéressé. Ceci dit, peut-être que Dominique A trouve quelque intérêt dans ce relatif isolement. Que l’on se souvienne seulement du succès rencontré par "22 Bar", en 1995. Et de la réaction de son auteur qui renia d’une certaine manière son "tube". "A l’époque, je n’avais pas fait 8-9 albums, j’avais une relation compliquée par rapport à la représentation publique - toujours maintenant, mais quand même beaucoup moins - et puis, surtout, je n’aimais pas cette chanson. Je ne regrette pas amèrement ma réaction. Cela m’a permis de me placer, de me situer par rapport à mes envies, à ce que je voulais défendre et finalement d’avoir une carrière sur le long terme."
- Publié le 27-03-2012 à 04h15
Rencontre On aurait bien aimé écrire que "Rendez-nous la lumière", premier simple issu de "Vers les lueurs", le nouvel album que Dominique A sort ces jours-ci, tournait en boucle sur toutes les ondes. Jusqu’à l’écœurement, pourquoi pas, comme c’est trop souvent le cas. Et bien non ! Les responsables de la programmation de nos radios publiques ont considéré que le chanteur français correspondait davantage aux auditeurs de la Première. Pure FM aussi, mais uniquement le soir. Allez comprendre. Les critiques encensent Dominique A, le grand public ne suit pas. "C’est vrai que le grand public ne me connaît pas. Il me semble pourtant que cela fait des années que je fais des chansons qui vont vers les gens. Dans "L’horizon" il y avait "Dans un camion", dans "La musique", il y avait "Immortel". Si celle-là ("Vers la lumière") peut être une invitation, j’en serais ravi. Dans mon esprit, j’ai confectionné beaucoup de tubes qui n’en ont pas été" , sourit l’intéressé. Ceci dit, peut-être que Dominique A trouve quelque intérêt dans ce relatif isolement. Que l’on se souvienne seulement du succès rencontré par "22 Bar", en 1995. Et de la réaction de son auteur qui renia d’une certaine manière son "tube". "A l’époque, je n’avais pas fait 8-9 albums, j’avais une relation compliquée par rapport à la représentation publique - toujours maintenant, mais quand même beaucoup moins - et puis, surtout, je n’aimais pas cette chanson. Je ne regrette pas amèrement ma réaction. Cela m’a permis de me placer, de me situer par rapport à mes envies, à ce que je voulais défendre et finalement d’avoir une carrière sur le long terme."
Il y a vingt ans, Dominique A allait décomplexer une génération de chanteurs qui n’attendaient qu’un mentor pour éclore. Rétrospectivement, on le considère comme le chef de file d’une chanson rock francophone minimaliste. L’intéressé - dont l’intégralité de l’œuvre vient d’être remastérisée et augmentée (pour chaque référence) d’inédits, de lives, de démos et de remixes - reste très modeste sur cette reconnaissance. "Je n’y pense pas tous les matins en me levant, mais ça légitime vraiment l’envie de continuer et puis, surtout, cela me fait dire que j’ai eu la chance de pouvoir développer un projet sur la longueur, ce qui, aujourd’hui, est quasiment impossible. Cela me rassure sur le bien-fondé de ma démarche. On m’a laissé le temps de bonifier."
Alors que depuis plusieurs jours, l’astre solaire dispense généreusement ses rayons, Dominique A nous emmène avec son 9e opus "Vers les lueurs". S’il chante "Rendez-nous la lumière", il nuance aussi, sur un autre morceau, "Je ne demande pas la lumière/Quelques lumières seulement". "Pour moi, ce sont des mises en situation, avec des voix différentes. Je me réserve le droit de me contredire complètement d’une chanson à l’autre. La lumière, c’est devenu une espèce de fil conducteur. Y faisant allusion une fois, deux fois, je me suis laissé aller et c’est devenu un jeu, en fait. Si vous voulez voir quelque chose, il faut de la lumière. Après, ce n’est pas le grand beau temps qui est intéressant, mais les variations de lumière. Les baisses et les augmentations d’intensité."
Il est vrai que les 13 morceaux qui composent ce nouvel album offrent des paysages si pas désolés ou dévastés, en tout cas qui ne tiennent plus très droits. "Chanter l’euphorie, chanter le bien-être, pourquoi pas ? Une chanson comme "Contre un arbre" le fait, à mon sens. Maintenant, ce sont aussi mes goûts musicaux, mon timbre de voix qui m’amènent sur ces terrains-là. Il y a également le souci d’écriture. S’il y a un propos, il faut qu’il y ait des choses un peu dramatiques qui se passent. Tenant compte de cela, la musique ne doit pas aller strictement ou forcément dans ce sens-là. J’essaie de faire en sorte que le propos soit, comment dire, éclairé, c’est le cas de le dire, par la musique."
On en arrive à l’essentiel. Si Dominique A considère que, sur le plan de l’écriture, il n’y a pas de rupture par rapport à ses précédents albums, "juste une volonté d’être parfois moins sévère, moins âpre" , on reste ébloui par la direction prise par les arrangements musicaux. Le goût des sonorités, l’inlassable travail de recherche et l’authenticité du musicien trouvent ici une sorte de quintessence grâce à la présence d’un quintette à vent. "Le quintette à vent, c’est comme le quatuor à cordes, c’est un truc classique mais moins galvaudé, moins attendu. David Euverte, qui m’accompagne depuis des années, a fait tous les arrangements. Il a d’abord travaillé sur des guitares-voix. Des fois, il allait vers des choses trop contemporaines, alors je le recadrais : C’est de la chanson, il y a quelques dissonances, mais ce n’est quand même pas Boulez !" Quant au groupe électrique, il est arrivé après. Et l’on reste impressionné par cette brillante alliance entre des instruments comme les flûtes, le hautbois, la clarinette, le basson et les guitares, les synthés, la batterie. "Finalement, cela s’est ajusté au mieux parce que David Euverte avait laissé assez d’espace pour tout le monde. Je pense que c’est lié à la qualité d’écriture de ses arrangements. Après, c’est aussi lié à l’intelligence des musiciens. Un gars comme Thomas Poli sait tout aussi bien prendre le dessus quand il sent qu’il y a un peu d’espace, comme se mettre en retrait quand il le faut."
Si Bouli Lanners fait de la Wallonie un paysage de western, le Français Dominique A agit de même pour la campagne d’Ille-et-Vilaine. "Je ne me sens pas rural pour deux sous, mais gamin, j’ai quand même passé énormément de temps dans des petits villages. Encore aujourd’hui, pendant les vacances, je vais souvent à la cambrousse. Je voulais sortir un petit peu du cadre. J’avais envie que les paysages soient rattachés à quelque chose de plus familier. "Close West" exprime cela. Ce n’est pas le Far West américain, c’est la campagne près de chez nous." Les paroles de "Close West" délivrant une ambiance bucolique, Dominique A se devait musicalement d’en prendre le contre-pied, comme il l’affectionne tant, en électrisant l’atmosphère. "Le convoi", un morceau de 9 minutes 30, est un autre exemple de son lyrisme. Longue intro atmosphérique, éclaircies avec l’arrivée des vents, fin instrumental où ça pète. "J’avais envie de faire un long morceau qui soit basé sur une boucle, quatre accords qui tournent tout le temps. La fin, on l’a vraiment travaillée en groupe. Cela fait partie des petites joies collectives, on va dire."
Ses histoires, Dominique A les pioche un peu partout. Une phrase dans un livre, par exemple. Comme celui de Renaud Czarnes, "Un passant ordinaire". "A un moment, le personnage appréhende une question de sa moitié : "Pourquoi tu m’as choisie ?" Et de devoir lui répondre, franchement : "Parce que t’étais là." Je trouvais l’idée assez terrifiante et assez dramatique que pour avoir envie de la chanter. A la base, c’était une chanson que j’avais écrite pour Calogero. Je lui ai demandé de reprendre le texte parce que j’avais une idée de mélodie." Drôle d’aller-retour. L’auteur confesse coucher rarement ses mots sur des mélodies. Sauf pour "Vers le bleu". "J’avais d’autres paroles sur cette mélodie. Comme j’avais filé le texte à un autre chanteur, je me suis retrouvé avec une musique que j’aimais bien mais sans texte ! L’évidence de la mélodie me donnait envie d’essayer de mettre d’autres paroles et je me suis laissé guider. J’ai trouvé la première phrase : "Une ombre passait sur le mur au pied duquel tu m’attendais" et je me suis dit : Bon, qui attend quoi pourquoi ? L’idée du frère est venue tout de suite et, de fil en aiguille, j’avais mon histoire." "Vers le bleu", une émouvante histoire d’amitié entre deux frères. Preuve, par ailleurs, qu’il ne faut pas interpréter toutes les chansons comme autobiographqiues, Dominique A étant enfant unique !
"Vers les lueurs", un CD Cinq7/Pias
En concert au Cirque royal (Nuits Botanique), le 23/5 à 20h, 23 €. En première partie, Dominique A rejouera son premier album "La fossette" (1993) en trio.