Des Congolais qui parlent le chinois

Tous, nous avons appris à l’école une histoire du Congo des Belges. Tous, nous avons suivi ces dernières années les souffrances interminables du peuple congolais. Mais jamais nous n’avions eu un livre qui rassemble tout ça, l’éclaire et nous en donne une histoire vue par ses témoins les plus directs. Un livre très littéraire qui mêle les genres pour notre plaisir, sans perdre sa rigueur. David Van Reybrouck a même retrouvé des témoins qui ont vu l’arrivée des premiers Belges (Etienne Nkasi, le récit Disasi Makulo). On voit littéralement vivre ce peuple dont la souffrance vient de la richesse même de son sol et de la rapacité de ceux qui ont voulu s’en emparer : négociants arabes (le redoutable Tippo Tip), la quête de l’ivoire, du caoutchouc, de l’huile de palme, les richesses minières. Ces trésors furent le tombeau du pays. Van Reybrouck raconte cela en historien mais à la manière, très vivante, d’un long reportage déroulé sur 700 pages. Il parle aussi de la petite histoire, celle du football, de la bière, de la musique. Au-delà de la première période noire du Congo, propriété privée des sbires de Léopold II, on est frappé par l’amalgame entre un paternalisme souvent généreux et un racisme inconscient qui hantait la colonie. On voulait se protéger des indigènes, les contrôler. Nié dans le droit, le racisme s’affirmait dans les faits. La vie d’un boy n’était souvent pas meilleure que celle d’un Noir vendu par les Arabes à des Indiens. Avec un mélange de bonne et de mauvaise foi, les Belges ne voulaient pas créer une élite indigène, mais d’abord une main-d’œuvre bien éduquée. Reprenant une idée généralement partagée, l’auteur estime que la décolonisation fut trop lente et l’indépendance trop rapide et, de ce clash, est née l’explosion de 1960.

Guy Duplat

Tous, nous avons appris à l’école une histoire du Congo des Belges. Tous, nous avons suivi ces dernières années les souffrances interminables du peuple congolais. Mais jamais nous n’avions eu un livre qui rassemble tout ça, l’éclaire et nous en donne une histoire vue par ses témoins les plus directs. Un livre très littéraire qui mêle les genres pour notre plaisir, sans perdre sa rigueur. David Van Reybrouck a même retrouvé des témoins qui ont vu l’arrivée des premiers Belges (Etienne Nkasi, le récit Disasi Makulo). On voit littéralement vivre ce peuple dont la souffrance vient de la richesse même de son sol et de la rapacité de ceux qui ont voulu s’en emparer : négociants arabes (le redoutable Tippo Tip), la quête de l’ivoire, du caoutchouc, de l’huile de palme, les richesses minières. Ces trésors furent le tombeau du pays. Van Reybrouck raconte cela en historien mais à la manière, très vivante, d’un long reportage déroulé sur 700 pages. Il parle aussi de la petite histoire, celle du football, de la bière, de la musique. Au-delà de la première période noire du Congo, propriété privée des sbires de Léopold II, on est frappé par l’amalgame entre un paternalisme souvent généreux et un racisme inconscient qui hantait la colonie. On voulait se protéger des indigènes, les contrôler. Nié dans le droit, le racisme s’affirmait dans les faits. La vie d’un boy n’était souvent pas meilleure que celle d’un Noir vendu par les Arabes à des Indiens. Avec un mélange de bonne et de mauvaise foi, les Belges ne voulaient pas créer une élite indigène, mais d’abord une main-d’œuvre bien éduquée. Reprenant une idée généralement partagée, l’auteur estime que la décolonisation fut trop lente et l’indépendance trop rapide et, de ce clash, est née l’explosion de 1960.

S’il nous raconte des faits aussi incroyables que l’épopée des soldats congolais en Birmanie, l’essentiel du livre est consacré au Congo indépendant et son lot de misères. On y assiste autant aux déboires sanglants du mobutisme qu’aux convulsions meurtrières amenées par le génocide au Rwanda. On retiendra longtemps des chapitres comme sa rencontre au milieu de la forêt du Kivu avec le chef de guerre Laurent Nkunda et, pour clore le livre, son reportage si drôle à Guangzhou, au sud de la Chine, où de nombreux Congolais se sont installés pour y acheter des milliers d’objets qu’ils exportent par containers au Congo où ils sont revendus à prix d’or. Pour éviter les taxes à l’importation, certains passent par Brazza et font transiter les pièces par des handicapés en chaise ! Ces Congolais de Chine apprennent le chinois en quelques mois, certains vivent avec des Chinoises ou ont amené leurs sectes. L’Histoire est pleine de surprises et Van Reybrouck nous la raconte si bien qu’on ne peut lâcher son livre.

David Van Reybrouck, "Congo, une histoire", traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, Actes Sud, 712 pp., 28 €.

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