L’art poétise la science-fiction

Le Grand-Hornu consacre tous ses espaces, art et design (lire ci-contre), à explorer un thème audacieux : la science-fiction. Audacieux car ce genre est souvent considéré comme mineur, par la pauvreté de ses scénarios et ses très piètres qualités littéraires et artistiques (sauf exceptions notables). La science-fiction est synonyme de romans de gare qui flattaient jadis nos envies d’un monde utopiste et qui, depuis, tentent de nous effrayer en projetant nos fantasmes et nos peurs.

Guy Duplat

Le Grand-Hornu consacre tous ses espaces, art et design (lire ci-contre), à explorer un thème audacieux : la science-fiction. Audacieux car ce genre est souvent considéré comme mineur, par la pauvreté de ses scénarios et ses très piètres qualités littéraires et artistiques (sauf exceptions notables). La science-fiction est synonyme de romans de gare qui flattaient jadis nos envies d’un monde utopiste et qui, depuis, tentent de nous effrayer en projetant nos fantasmes et nos peurs.

Un choix audacieux aussi car, aujourd’hui, la réalité de la science a largement dépassé la fiction. Les aventures du boson d’Englert-Higgs, les nombreux indices qu’il existerait des univers parallèles, "les multivers" (lire le nouveau livre du grand physicien Brian Greene, "La Réalité cachée"), les nanoparticules qui pourront, comme des robots, réparer nos organes malades, tout cela est plus excitant que les fantasmes des écrivains ! Aucun auteur de SF n’avait prédit le GPS et l’iPad.

Mais c’est un choix réussi. Denis Gielen, le commissaire, a sélectionné pour le Mac’s des œuvres d’abord poétiques, qui respirent et sont dans la retenue (un livre très complet sort à cette occasion qui développe largement la problématique et donne une multitude d’images). On aurait pu en mettre plein la vue. Son choix est tout différent, délicat, montrant que la science-fiction vue par les artistes reste une manière d’ouvrir notre propre imaginaire et de penser le monde et son avenir.

Le visiteur le découvre dès le début en pénétrant dans la Grange aux foins plongée dans le noir absolu. Seuls, deux cônes de lumière habitent le lieu. Anthony MacCall les crée à partir de fumées et ces cônes projettent sur le sol des lignes jaunes fluctuantes. Une installation spectrale superbe qu’on avait déjà vue, par exemple dans l’immense base bunkerisée, de sous-marins, à Nantes lors d’un festival "Estuaires".

Ann Veronica Janssens aussi, est là avec son film sur une éclipse totale de soleil, quand on voit peu à peu, notre astre s’éteindre et se transformer en un œil qui nous fixe.

Les grands thèmes de la science-fiction sont présents, comme les hybridations ou l’irruption des aliens, avec les boîtes bizarres peuplées de personnages étranges, du Japonais Tetsumi Kudo, les appareillages faustiens de Thomas Feuerstein ou les clonages d’images de Peter Hutchinson.

Mais à ça, on préférera l’humour sur la fin du monde que peuvent faire les artistes. Christophe Terlinden a déposé son agenda ouvert à une date de décembre où il a écrit comme pense-bêtes : "la fin du monde". Et le Suisse Gianni Motti a planté son compteur qui égrène les secondes qui nous restent avant le "Big Crunch" du monde qu’on nous annonçait pour dans 5 milliards d’années (aux dernières nouvelles, il n’y en aurait pas Ouf !).

Toni Oursler a très sérieusement interrogé une femme persuadée d’avoir rencontré un extraterrestre dans sa maison. Mais à nouveau, on aimera plutôt la poésie d’Edith Dekyndt qui dépose un simple bouquet de roses blanches qui, quand on s’approche, laisse entendre une étrange musique, celle basée très scientifiquement sur le mouvement des atomes dans la fleur.

On pourrait multiplier les exemples qui démontrent que l’art peut s’emparer de ce thème sans en faire une attraction de Disneyland.

John McCraken, l’artiste minimaliste américain a posé contre un mur une simple poutre rouge, mais si parfaite que seul, dit-il, un extraterrestre aurait pu avoir fait un bloc si parfait. Un rappel du monolithe "sublime" qui est au centre du film de Stanley Kubrick, "2001, odyssée de l’espace". Et devant le bloc rouge sang de McCraken, on retrouve avec grand plaisir, deux engins de Panamarenko, dont une aile futuriste axionée par des petites éoliennes, des projets toujours à la limite de l’imaginaire et du réel, du technologique et de l’insensé.

La science-fiction est aussi une manière pour un artiste de se détacher des problématiques intimes et directes et de tendre vers une vision globalisante du monde et du genre humain. L’artiste peut alors penser la fin du monde, comme le fait Gavin Turk dans sa belle série d’aquarelles sur les formes de champignons nucléaires (notre photo) comme s’il peignait, à l’ancienne, des simples champignons des bois.

Jacques Charlier aussi le fait à sa manière ironique, en peignant une affiche pour la promotion pour un voyage vers le trou noir ou vantant l’homme qui a découvert le trou de la couche d’ozone.

Ce monde du futur qui nous fascine et nous inquiète, nous pose de nouvelles questions éthiques depuis qu’on a découvert que nous pourrions un jour faire disparaître la vie.

Devant ces craintes, il y a la vision légère et écologique des Portugais João Maria Gusmão et Pedro Paiva. Ils tournent des films avec trois fois rien. L’un est en réalité, une "camera obscura" géante et l’image qu’on voit est le reflet projeté de roues de vélo. Superbe. Dans des petits films réalisés avec des bouts de ficelles, le merveilleux surgit quand les légumes et les fruits défient la gravité. Avec eux, même si notre planète s’épuisait, il sera toujours possible de rêver. A l’autre bout de l’échelle technologique, il y a les portraits des musiciens du groupe de musique électronique allemand Kraftwerk, photographiés par le photographe des stars Anton Corbijn, en mutants, en vrais robots (notre photo).

Si l’art, en utilisant la science-fiction ouvre notre imaginaire, la SF permet aussi aux artistes des libertés nouvelles et bienvenues.

"S.F., art, science et fiction", au Mac’s, Grand-Hornu, jusqu’au 17 février ; tous les jours, de 10 h à 18 h, fermé le lundi.

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