Les "Pandora Papers" sont des révélations qui arrivent à la suite de l'enquête sur les fuites offshores de 2013, des Swiss Leaks de 2015, des Panama Papers de 2016 et des Paradise Papers de 2017. L'enquête expose la manière dont certaines des personnes les plus puissantes du monde utilisent des montages financiers - et, ici, en l'occurrence, des sociétés offshore - pour optimiser leur fiscalité, voire de faire du blanchiment d'argent.
Les données sont issues du ICIJ (Consortium International des Journalistes d'Investigation). Quelques 600 journalistes de 117 pays se sont appuyés sur presque 12 millions de sources (documents, images, mails, feuilles de calcul, etc.) et 2.94 TO de données, provenant de 14 services financiers différents, afin de révéler au grand public l'existence de plus de 29 000 sociétés offshore.
Plus de 330 personnalités politiques issues de 90 pays différents sont concernées. Le roi de Jordanie, Abdallah II, aurait créé une trentaine de sociétés offshore. Le Premier ministre tchèque, Andrej Babis, aurait placé 22 millions dans des sociétés-écrans. Guillermo Lasso, le président équatorien, aurait, quant à lui, logé des fonds dans deux trusts américaines. Le président kényan, le Premier ministre libanais, Tony Blair, DSK, Shakira, Elton John, Jacques Villeneuve, Julio Iglesias et Claudia Schiffer sont également cités.
Une entreprise offshore est une société enregistrée à l'étranger, dans un pays où le propriétaire n'est pas résident. Elle peut être implantée dans un "paradis fiscal", ce qui permet de dissimuler la propriété de fonds et d'actifs. Les pays les plus connus sont la Suisse, Singapour, les îles Caïmans, les îles vierges britanniques, etc. Dans ces paradis fiscaux, il est facile de créer des sociétés, le secret bancaire est extrêmement bien gardé, mais surtout, l'impôt sur les sociétés y est très bas ou inexistant. Les lacunes de la loi des autres pays permettent généralement de profiter de cette "astuce" d'optimisation fiscale, mais cette pratique est considérée comme contraire à l'éthique... et parfois utilisée pour dissimuler l'argent obtenu via la criminalité. L'ICJI estime que 5 600 à 32 000 milliards de dollars sont ainsi cachés à l'étranger. Le FMI (Fonds Monétaire International) estime le manque à gagner fiscal des gouvernements du monde entier à 600 milliards de dollars par an.
Dans la plupart des cas, ces faits d'optimisation fiscale ne sont pas passibles de poursuites judiciaires, puisqu'ils sont basés sur des lacunes propres à la loi des autres pays. Néanmoins, l'enquête permet de montrer à quel point les discours anti-corruption de certains dirigeants tranchent avec leur comportement réel. Elle prouve aussi que le monde de la finance offshore continue à prospérer. Une des solutions potentielles de lutte contre la fraude fiscale internationale était une réponse globale des pays touchés, mais, comme l'indique l'ICIJ, "ces documents révèlent que de nombreux acteurs puissants qui pourraient aider à mettre fin au système offshore en ont au contraire profité, en cachant des actifs dans des sociétés secrètes et des fiducies alors que leurs gouvernements ne font pas grand-chose pour ralentir un flux mondial d'argent illicite qui enrichit les criminels et appauvrit les nations".