Aya et ses sœurs

Lorfèvre Alain
Aya et ses sœurs

Fin des années 1970. A Abidjan, dans le quartier populaire de Yopougon, Aya rêve de faire des études de médecine. Ses copines Bintou et Adjoua sont, elles, plus portées sur les "maquis", les bars locaux, où gazelles et lions se chassent mutuellement, parfois par-delà les âges et les conditions sociales - au grand dam des parents, d’ailleurs. Ceux de Moussa, le fils de Sissoko, le roi local de la bière, désepèrent de leur rejeton coureur de jupons. Pendant ce temps, Ignace, le père d’Aya, entretient ses "bureaux", où il retrouve autre chose que des secrétaires…

Jeux parfois un peu dangereux qu’évite la plus mature Aya, mais que les autres considèrent comme acquis et dont Adjoua va porter les fruits.

Comme rappelé dans notre page ZigZag, "Aya de Yopougon" est d’abord une bande dessinée écrite par Marguerite Abouet et illustrée par Clément Oubrerie. La collection Bayou de Gallimard, où elle est éditée étant dirigée par Joan Sfar, "Aya" prend d’autant plus naturellement les chemins du grand écran, après "Le chat du rabbin" du susnommé, que c’est la société de production Autochenille qui l’a produit…

En matière d’adaptation de roman graphique au grand écran, c’est le "Persepolis" de Marjane Satrapi qui reste le modèle du genre. Suivant, à l’instar de cette dernière, l’adage selon lequel on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, Marguerite Abouet a décidé de transposer elle-même sa chronique truculente des grandes et petites aventures d’Aya et ses "sœurs" du quartier.

La réussite est, comme chez Satrapi, exemplaire. L’auteur a compris qu’un média n’était pas l’autre, et a su apporter une dimension supplémentaire à ce film d’animation qui, une fois n’est pas coutume, devrait parler au public africain. Rarement l’expression couleur locale aura été aussi appropriée.

Sans exotisme artificiel, Marguerite Abouet a eu évidemment le bon sens de demander à des acteurs africains de prêter leur voix aux personnages. L’accent n’est pas forcé, mais apporte un supplément d’authenticité aux récits qui s’entrecroisent. Les expressions imagées sonnent justent. La musique, les couleurs, nous font retrouver les ambiances de la ouest-africaine. On en parviendrait presque à sentir les effluves du poulet yassa comme du "pétrole" des mobylettes, que la moiteur de certaines nuits fait stagner au niveau de la latérite des rues… A l’inverse, ce dessin animé particulièrement maîtrisé prend une hauteur inattendue malgré son apparente légèreté.

A.Lo.

Réalisation : Marguerite Abouet, d’après sa bande dessinée avec Clément Oubrerie. Avec les voix d’Aïssa Maïga, Tella Kpomahou, Jacky Ido,… 1h28

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