"C’est comme si tu avais une Porsche. Il faut que tu apprennes à la conduire"
Publié le 21-10-2013 à 05h40
Sophie (prénom d’emprunt) est une jeune fille de 15 ans qui a été diagnostiquée HP à l’âge de 10 ans. Son parcours d’enfant différente n’a pas toujours été rose. Elle l’évoque sans fausse pudeur, mais sans misérabilisme, non plus. "Quand j’étais petite, mes parents se posaient des questions sur mes interactions avec les autres enfants; mes centres d’intérêt n’étaient pas vraiment en phase avec ceux habituels à mon âge. J’aimais l’histoire, la littérature. J’avais lu tous les livres de la comtesse de Ségur en 2e primaire et Harry Potter en 3e primaire", raconte-t-elle.
"J’étais très avancée à l’école. Je m’y ennuyais, mais, comme je suis dyslexique, je rencontrais aussi beaucoup de problèmes en écriture. Dès la 3e primaire et jusqu’à ma 2e année de secondaire, les rapports avec les autres enfants étaient difficiles. Ils me traitaient d’idiote, car je ne pensais pas comme eux. Ils ne me comprenaient pas. J’ai subi des moqueries, du harcèlement, aussi… J’avais très peu d’amis de mon âge. Je recherche souvent la compagnie de gens plus âgés."
Quand Sophie a 10 ans, ses parents décident de lui faire passer des tests. "Pendant les deux années qui ont suivi, je n’ai pas compris que j’étais HP. La dame qui m’avait testée ne m’a jamais dit que j’étais HP. Elle a dit : "C’est comme si tu avais une Porsche. Il faut que tu apprennes à la conduire." Ce terme de "haut potentiel", l’adolescente n’aime pas qu’on l’utilise pour la qualifier. "Je ne me considère pas comme plus intelligente que les autres. HP, c’est me coller une étiquette et rien d’autre. Tout le monde peut avoir un haut potentiel, un don dans un domaine. Et ce n’est pas parce qu’on a des facilités qu’on est plus intelligent", affirme-t-elle.
Après quelques années difficiles dans des écoles où elle ne se sentait pas bien, Sophie a trouvé un établissement où elle peut enfin s’épanouir. "Cette école a un niveau beaucoup plus élevé que la précédente. Je suis en 3e année option gréco-latine-artistique. Les relations avec mes condisciples sont bien meilleures, même si je suis un peu en décalage avec eux au niveau du vocabulaire, par exemple." Malgré les problèmes d’intégration qu’elle a pu rencontrer, elle n’aurait pas voulu fréquenter une école ou une association réservée aux HP. "Séparer les gens, ce n’est pas utile. C’est de la ségrégation." Elle fréquente toutefois le CVIM où elle prend des cours d’allemand, "parce que ce n’est pas un club fermé".
Sophie est peut-être, de par son intellect hors norme, décalée mais pas déconnectée. "Je suis fan des grands classiques de la littérature et de musique classique, mais j’aime aussi le rock, Céline Dion et les séries télé américaines", dévoile-t-elle en souriant.
La jeune fille montre des aptitudes particulières pour les langues, qu’elle apprend avec une facilité déconcertante. "J’en parle cinq : le français, l’anglais, le néerlandais, l’allemand et le latin vivant, et je comprends l’italien." Les portes d’un brillant avenir professionnel s’ouvrent sans doute à elle. "Je veux faire le Droit et me spécialiser en Droit international et Droit de l’enfant. Je n’ai été défendue par personne, si ce n’est moi-même, et j’estime que tout le monde a droit à la justice." I.L.