Transmission apaisée d’u n conflit
Publié le 28-02-2014 à 19h35
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Critique Marie Baudet Tour à tour comédienne, clown, metteure en scène, performeuse, et parfois tout à la fois. En Suisse, à Jérusalem, à Berlin, en Argentine, à Bruxelles… Adeline Rosenstein voyage, au propre et au figuré. Dans le temps aussi. Au début des années 2000, elle forme avec d’autres un groupe d’artistes qui explorent le théâtre documentaire.
Dans cette veine - aux ramifications nombreuses -, elle pratique l’interview, s’interroge sur l’opportunité de traduire scéniquement la parole récoltée, sur les impasses et les potentiels respectifs du théâtre et du documentaire.
La géopolitique du Proche-Orient, les sources de l’interminable conflit israélo-palestinien : voilà le terrain où elle s’est aventurée. Non sans rencontrer des résistances, sur le mode de "c’est plus compliqué que ça". Non, se disait-elle, "c’est juste mal raconté"...
Le point de vue des artistes
Or l’histoire ne s’arrête pas et, alors que le projet évolue, et qu’une classe de scénographie à la Cambre travaille justement sur la Palestine, a lieu en 2008-2009 l’offensive israélienne sur Gaza, "l’épouvante". Alors Adeline Rosenstein décide d’"aborder la chose par le biais des artistes occidentaux" - en en interrogeant certains qui, comme elle, ont vécu dans cette région du monde. "Je voulais en parler autrement et mettre le doigt sur ce malaise, comprendre de quoi il était le nom…"
Ce malaise indicible est aussi entretenu par l’usage que font les médias des images, souvent insoutenables, et "d’une manière si répétitive qu’elle me fait prendre le risque atroce de m’y habituer", souligne-t-elle.
Aussi ni cartes, ni photos, ni films n’illustrent "Décris-ravage". Parti pris osé pour transmission apaisée.
Conférence en quatre épisodes
Ecrits d’historiens et d’analystes, conseils de linguistes, de politologues, témoignages d’artistes, mais aussi extraits de pièces de dramaturges arabes : de ces sources compilées naît un objet singulier. Une vraie conférence qui n’oublie jamais qu’elle est du théâtre.
Ledicia Garcia en signe espace et lumières. Adeline Rosenstein l’occupe avec Olindo Bolzan, Léa Drouet, Isabelle Nouzha et Thibaut Wenger, de noir vêtus. Ces conférenciers illustrateurs mettent leur jeu, leur corps, leur voix au service de cette traversée de l’histoire. De 1798 et les campagnes d’Egypte et de Syrie de Napoléon Bonaparte à la fin de la Première Guerre mondiale.
Dans sa dramaturgie kaléidoscopique et pourtant très cohérente, "Décris-ravage" ne revendique jamais l’exactitude absolue mais offre, avec un point de vue et non sans humour, une aire ouverte à la curiosité et au doute. Exemplaire dialogue de la forme et du fond.
Bruxelles, Océan Nord, jusqu’au 8 mars, à 20h30 (mercredi à 19h30, le mardi 4 mars à 13h30 uniquement). Durée : 2h15 env. De 7,5 à 10 €. Journée-rencontre le1er mars à 16h.
Infos & rés. : 02.216.75.55, www.oceannord.org