Le chèque up de Breillat
Publié le 17-03-2014 à 15h37
:focal(494.5x286:504.5x276)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/VIDOA7GPV5EIFDNTI4YH6JWD7I.jpg)
Après avoir défrayé la chronique ciné avec ses films provoc', Catherine Breillat a récemment défrayé la chronique judiciaire en tant que victime d’un escroc lui ayant extorqué près d’un million d’euros, victime d’un abus de faiblesse. Cette qualification a de quoi surprendre quand on connaît l’extrêmement forte personnalité de l’auteur de "Romance". C’est qu’en 2005, elle fut terrassée par un AVC, hémiplégique du jour au lendemain. C’est son histoire qu’elle met ici en scène confiant son propre rôle à Isabelle Huppert.
Alors qu’elle récupère l’usage d’une partie de son corps au prix de terribles efforts de rééducation; Catherine Breillat flashe sur Christophe Rocancourt en pleine promo télé de son autobiographie d’un escroc. Il est sans remords et sans compassion à l’égard de ceux qu’il a escroqués, riches ou pauvres. Après Rocco Siffredi dans "Anatomie de l’enfer", c’est le genre d’individu qui a tout pour séduire celle qui aime bousculer le citoyen lambda. Elle le veut dans son prochain film.
Que peut-elle bien trouver à cette doublure de JoeyStarr, dont le seul titre de gloire est de clamer haut et fort qu’il est un escroc ? On cherche. Est-elle sensible aux gars s’habillant deux tailles en dessous pour montrer qu’ils font de la gonflette ? Ce n’est pas sexuel, non plus, semble-t-il. Ça doit être le côté transgressif, bad boy qui plaît à la grande perverse. Elle doit se dire que celui qui va l’escroquer, n’est pas né.
Elle le veut comme acteur et lui, il veut qu’elle lui signe des chèques. Il ne verra jamais un rail de travelling, elle lui signera des chèques pour plusieurs centaines de milliers d’euros. Au début, il fait l’effort de lui raconter un bobard pour l’amener à sortir son carnet. Mais au quatrième chèque, il lui suffit de dire : "Tu ne ferais pas un chèque de 220 000 €." Elle prend son carnet, écrit 220 000 € et elle signe. Parce qu’il le vaut bien, comme dit le petit Nicolas à sa Mammy Shampoing. C’est pas plus compliqué que cela.
Ça va durer combien de temps ? 800 000 euros ! Ça se passe où ? A Paris, mais on est visiblement à Bruxelles, où l’on ne signe plus de chèques. Pourquoi signait-elle ? Après un procès, un livre, un film, son explication reste confuse : "C’est moi et ce n’est pas moi, c’est une autre qui n’est pas une autre qui est moi sans être moi qui est une autre". Sa famille la regarde comme Mme Dexia, ce sont eux qui vont passer à la caisse.
La formule du grand film malade a rarement été aussi appropriée. D’abord le sujet est bien la maladie : l’AVC, l’isolement, la rééducation, la dépendance, les grandes difficultés à faire les petites choses de la vie quotidienne. Isabelle Huppert y met beaucoup de cœur au début, genre performance bluffante pour les oscars. Après, elle fatigue ou elle prend conscience que le film, c’est n’importe quoi. Que ce Kool Shen (c’est JoeyStarr qui n’était pas libre, alors on a pris son partenaire de NTM) a autant de présence qu’une carcasse de viande (il ne dégage rien : ni érotisme, ni peur, ni esprit). Dans son état, Catherine Breillat devrait s’allonger sur un divan.
Fernand Denis
Réalisation, scénario : Catherine Breillat. Avec Isabelle Huppert, Kool Shen… 1h44