Fausse jardinière, vrai comique ?
Publié le 19-03-2014 à 17h34
Nicolas Blanmont Envoyé spécial à Lille Les spectateurs belges ont gardé un souvenir inoubliable de "La Finta Giardiniera", révélée au grand public par Gérard Mortier dans la mise en scène des Hermann : le spectacle, créé au Théâtre du Parc en 1986, fut repris plusieurs fois ensuite et même encore en 2011 par Peter de Caluwe. Composée par un Mozart de 18 ans, l’œuvre reste aussi rare à la scène qu’au disque : tentant, donc, de faire le déplacement à l’Opéra de Lille qui en affiche une nouvelle production, d’autant que la direction musicale est confiée à Emmanuelle Haïm.
On est plus habitué à entendre la claveciniste et chef française dans le répertoire baroque, mais cette compétence lui permet ici de mettre en lumière toute la vitalité coruscante du jeune Mozart, aidée par un Concert d’Astrée en grande forme. Dans cet ouvrage qui garde une forme d’opéra à numéros mais présente déjà des finals d’actes qui annoncent ceux des "Noces de Figaro", Haïm sait à la fois insuffler ce qu’il faut de vie dans les récitatifs (avec un continuo très inventif) et magnifier la beauté des airs. Et les solistes sont excellents, tant par leur adéquation physique avec leur personnage que par leurs talents vocaux : chanteurs expérimentés (Carlo Allemano en Podestat, Marie-Claude Chappuis en Ramiro) ou valeurs montantes (Enea Scala en Belfiore ou Erin Morley en Sandrina), tous sont dignes de louanges.
Vision réductrice
Dommage que la mise en scène de David Lescot reste trop souvent en surface. Venu du théâtre, ce Français qui avait déjà monté "The Rake’s Progress" à Lille fait ici le choix de privilégier le comique sur le sentimental. La plupart de ses personnages sont présentés comme des archétypes monochromes (Ramiro en pleurnichard, Belfiore en latin lover un peu ridicule, Arminda en dominatrice…), vision réductrice qui en amoindrit la crédibilité dramatique. D’autant que cette tendance au superficiel se traduit aussi dans le recours trop systématique à un comique visuel et à des gags au premier degré.
Pour ne rien arranger, l’action se déroule sans véritable décor jusqu’à ce que, vers la fin du deuxième acte, le mur du fond s’écroule pour laisser apparaître un coin de forêt. Avant cela, il aura fallu subir pendant près de deux heures sur un plancher vide l’incessant ballet de trois jardiniers déplaçant une dizaine de plantes qui, avec leurs pots et quelques brouettes, tiennent lieu de toute dramaturgie. De quoi s’agacer et se lasser, sauf à regarder le plafond pour jouir pleinement de la musique.
Lille, Opéra, jusqu’au 30 mars; www.opera-lille.fr