La marque du passé
Publié le 06-06-2014 à 13h05
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Un polar nordique imbri- quant l’histoire de l’Allema- gne et de la Norvège.Berlin, 1990. Dans un aéroport, une femme passe la douane crispée. Se réfugiant dans les toilettes, elle change d’apparence. Les gestes sont précis, sûrs. Elle sait ce qu’elle fait… On retrouve l’espionne allemande dans un petit village de pêcheurs norvégien. Elle s’appelle Katrine et cela fait 20 ans qu’elle est installée sur place, mariée à un beau capitaine de sous-marin. Après avoir grandi en RDA, elle a rejoint sa mère, norvégienne. Pendant la Seconde Guerre mondiale, celle-ci avait dû abandonner sa fille, née d’une union avec un soldat de la Wehrmacht, dans un orphelinat du Lebensborn, le programme d’eugénisme nazi. Alors que l’Allemagne de l’Est s’apprête à rejoindre la République fédérale, un an après la chute du Mur de Berlin, le passé remonte à la surface pour Katrine…
Premier film en tandem des Allemands Georg Maas et Judith Kaufmann, "D’une vie à l’autre" s’inspire d’un fait divers réel. Fin 1990, a été retrouvé le corps calciné d’une femme dans un petit village de pêcheurs norvégien. "Il s’agirait d’une affaire d’espionnage non résolue", précise le générique. De ce point de départ assez maigre, le duo construit un thriller noir, dans la tradition nordique actuelle, qui relit le passé de l’Europe. À travers ces histoires d’enfants nés de mères norvégiennes et de pères allemands, rapatriés dans les orphelinats du Lebensborn, c’est l’histoire européenne de la seconde moitié du XXe siècle qui est retracée.
Le sujet est passionnant et a déjà donné lieu à divers documentaires. Mais on rajoute ici un pan supplémentaire avec la partition de l’Allemagne. Il semble en effet avéré que la Stasi a utilisé certains de ces orphelins pour infiltrer des familles norvégiennes. "Et tous n’ont pas été démasqués…", prévient "Zwei Leben", qui n’hésite jamais à en rajouter une couche dans la paranoïa. Cette lourdeur scénaristique, on la retrouve d’ailleurs dans la mise en scène appuyée, dans une photographie toujours très contrastée, dans ces incessants flash-backs tout en grain pour accentuer l’effet passage du temps…
Reste que si le polar ne convainc pas totalement, un peu prévisible et enfoncé dans un scénario trop construit, Georg Maas et Judith Kaufmann parviennent néanmoins très joliment à peindre le drame familial dans lequel s’inscrit l’histoire. Et cela notamment grâce au talent de leurs deux actrices principales : l’Allemande Juliane Köhler (remarquée dans "La chute") et la bergmanienne Liv Ullmann. Fille et mère à l’écran, elles incarnent, par la justesse de leur jeu, le drame de ces enfants qui furent méprisés tant en Norvège qu’en Allemagne…H.H.
Scénario & réalisation : Georg Maas & Judith Kaufmann (d’après Hannelore Hippe). Photographie : Judith Kaufmann. Musique : Christoph Kaiser. Montage : Hansjörg Weißbrich. Avec Juliane Köhler, Liv Ullmann, Julia Bache-Wiig… 1h37.