De la tour d’ivoire à l’écosystème d’innovation

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De la tour d’ivoire à l’écosystème d’innovation

Les universités participent de plus en plus au développement économique. Une nouvelle forme de collaboration voit le jour : les hubs créatifs.Annick Castiaux Professeur à l’Université de Namur, vice-présidente du TRAKKLes hubs créatifs rassemblent des acteurs d’horizons différents pour qu’émerge la créativité au sein des entreprises et des laboratoires.

L’université s’est impliquée progressivement dans son environnement économique depuis environ cinquante ans, au départ par la création de spin-offs universitaires. L’entrepreneuriat académique, à la base du développement de la Silicon Valley à partir des années 60, s’est développé plus tardivement et avec moins d’ampleur en Europe, mais le phénomène est bien présent.

Les universités se sont dotées de cellules de transfert technologique qui ont pour mission de valoriser la science issue des laboratoires non seulement par la création des spin-offs mais aussi par le dépôt de brevets et la négociation de licences d’exploitation avec les entreprises souhaitant utiliser ces technologies.

En outre, les laboratoires académiques ont accru leur collaboration avec les entreprises, passant progressivement de fournisseurs d’expertises de pointe à de véritables partenaires d’innovation, par exemple, dans le contexte du Plan Marshall. Ces activités constituent la troisième mission de l’université, appelée aussi mission de service à la société, qui s’est imposée dans le modèle de l’université moderne au côté des missions d’enseignement et de recherche.

Ces collaborations ne vont pas nécessairement sans heurt, car les cultures, les calendriers et les objectifs des entreprises et des universités ont parfois du mal à s’accorder. Il y a d’ailleurs là un paradoxe quasiment insoluble : d’une part, les entreprises viennent chercher dans les laboratoires universitaires des connaissances nouvelles dont la création s’accorde mal avec les modalités managériales en vigueur dans les entreprises; d’autre part, les chercheurs souhaitent avoir accès, grâce aux projets collaboratifs, au financement d’une recherche dont le développement engendrera pour eux des frustrations, puisqu’ils ne pourront que difficilement publier ces connaissances vouées à une exploitation commerciale.

Malgré cette analyse en demi-teinte de la valorisation de la recherche universitaire au service de la société, de nouvelles initiatives se développent. La plus récente a été stimulée par Creative Wallonia, le plan de la Région wallonne visant à développer la créativité et l’entrepreneuriat en Wallonie. Grâce à ce plan, des hubs créatifs sont en cours de développement dans chacune de nos grandes villes wallonnes. Suivant la logique du hub, lieu de croisement, ces structures visent à réunir des acteurs venant d’univers très différents afin de favoriser l’hybridation des savoirs et des compétences, en espérant développer des projets très créatifs à haute valeur ajoutée. Les hubs mettent à disposition des porteurs de projet un accompagnement ainsi que des outils de créativité et de prototypage favorisant le développement rapide de projets.

Le hub namurois s’appelle le TRAKK (1). Il a été cofondé par des acteurs universitaires (UNamur et Gembloux Agro-Bio Tech, ULg), économiques (Bureau économique de la Province, Infopôle Cluster TIC), artistique (KIKK Festival) et social (Ressourcerie namuroise). Cette rencontre improbable entre des acteurs qui se connaissaient peu vise à en stimuler d’autres, entre étudiants, chercheurs, citoyens, entrepreneurs et artistes. En particulier, les étudiants et les chercheurs seront sortis de leur zone de confort et confrontés à des problèmes qui leur demanderont de mobiliser leurs compétences différemment.

D’une part, ces expériences apporteront à nos chercheurs et étudiants une capacité d’adaptation et un réseau personnel qui leur manquent parfois lorsqu’ils commencent leur vie professionnelle en dehors des murs de l’université. D’autre part, ces interactions inattendues devraient faire émerger des questionnements scientifiques inédits qui nourriront la créativité des laboratoires.

L’université est donc devenue depuis cinquante ans un acteur à part entière d’un écosystème d’innovation. Elle doit dans ce contexte contribuer au développement économique, tout en conservant son identité universitaire. Cette identité, ancrée dans la recherche fondamentale, rend parfois difficiles ou ambiguës les interactions avec les autres acteurs. Mais elle constitue aussi la valeur ajoutée de l’université au sein de cet écosystème, et elle en construit la pérennité et la soutenabilité.

(1) www.trakk.be

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