Quand onze amis comédiens débarquent à l’improviste chez un inconnu, Régis
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Publié le 08-10-2019 à 14h55 - Mis à jour le 08-10-2019 à 14h54
Le Canine collectif est parti d’une expérience de vie inédite, vidéos à l’appui, pour monter son premier spectacle. Régis Où Bruxelles, Les Riches-Claires - 02.548.25.80 - www.lesrichesclaires.be Quand Du 9 au 25 octobre
Un soir, alors qu’il est tranquillement installé dans son petit appartement bruxellois, Régis reçoit une visite totalement impromptue : onze jeunes, bières et chips sous le bras, qu’il ne connaît absolument pas, débarquent chez lui pour passer la soirée ensemble. Leur but ? Le sortir de sa solitude et devenir ses amis. Le jeune homme accepte. L’expérience peut commencer… Car il s’agit bien d’une expérience menée non pas par une bande d’amis lambda mais par les onze comédiens du Canine collectif.
Violette De Leu, Louise Jacob, Leone François, Colin Javaux, Colline Libon, David Nobrega, Mélissa Roussaux, Caroline Taillet, Benjamin Torrini, Camille Voglaire et Émilien Vekemans sont tous issus de la promotion 2010-2014 de l’Institut des arts de diffusion (IAD). "Nous étions une même classe et en sortant de l’IAD, nous avions tous l’objectif de continuer à travailler ensemble et de mener encore l’un ou l’autre projet ensemble, raconte David. Et nous avons formé le Canine collectif", clin d’œil au film Canine de Yorgos Lanthimos ainsi qu’"au côté mordant, corrosif de notre collectif et à notre envie de mordre la vie à pleine dent", précise Camille.
Entre réel et fiction
Ayant chacun leur propre carrière à mener (NdlR : ils créent aussi des spectacles en plus petites cellules, notamment La théorie du Y ), il a fallu combiner les horaires des uns et des autres pour parvenir à se réunir et créer leur premier projet ensemble : Régis, inspiré de la pièce Les amis de Kobo Abe qui relate l’histoire d’un homme qui habite seul et voit un jour un groupe de dix individus sonner à sa porte pour venir s’installer chez lui et vivre avec lui.
"Nous avons extrait de cette pièce ce qui nous touchait et nous parlait, explique Léone. Nous avons essayé de le confronter à la réalité et nous nous sommes mis en tête de reproduire cette expérience en vrai et d’aller sonner chez un individu qui habitait seul". Le collectif s’est ainsi mis en quête de "la bonne personne chez qui aller sonner". Plusieurs noms sont proposés ; "la consigne étant qu’aucun d’entre nous ne devait connaître cette personne, afin de mener l’expérience jusqu’au bout". "Un moment donné est sorti le nom de Régis, qui existe vraiment, et chez qui nous sommes allés sonner un soir, reprend la jeune femme. Il pensait avoir rendez-vous avec un ami, qui était notre alibi, pour jouer à la Playstation. Sauf que ce n’est pas son ami qui est arrivé, mais nous. Donc, nous avons passé toute une soirée chez lui. Notre pièce de théâtre s’inspire de cette soirée pour construire tout un récit qui bascule dans la fiction".
De ce matériau brut - toute la soirée a été filmée et enregistrée -, le Canine collectif en a tiré une pièce oscillant entre réel et fiction (des parties fictives sont adjointes aux événements réels de la soirée chez Régis afin de brouiller les pistes), fragilité de l’individu et force du groupe. "Notre travail questionne cette conflictualité en nous, le déterminisme, explique David. Est-on juste le produit de ce qui nous entoure, de notre famille, de notre société,… ou, au contraire, sommes-nous des individus libres, qui choisissent ? En fait, quand on s’invite chez Régis, on s’invite chez le spectateur et on le sonde sur la façon dont il réagirait, se positionnerait" face à lui-même, face à ce groupe, uni, de dix amis qui débarquent sans crier gare chez lui. Car au-delà, à l’heure des réseaux sociaux où chacun se cache derrière son écran, la démarche menée par le Canine collectif touche aux frontières de l’intime : jusqu’où peut-on pousser l’intrusion chez l’autre, comment protège-t-on son intimité ?
Stéphanie Bocart