La Commission trace les plans d’une (r) évolution verte pour l’Europe

La Commission trace les plans d’une (r) évolution verte pour l’Europe
©AFP

Éclairage Olivier le Bussy Dix jours après son entrée en fonction, la nouvelle Commission européenne a dévoilé les plans du chantier monumental qu’est le Pacte vert pour l’Europe (Green deal). La présidente Ursula von der Leyen en a donné la primeur au Parlement européen, mercredi après-midi, à Bruxelles. Touchant à quantité de domaines, du transport au logement, en passant par l’agriculture et la diplomatie, les infrastructures ou la fiscalité, ce Pacte vert doit amener l’Union européenne à la neutralité carbone en 2050, mais vise aussi à réduire la pollution et à préserver la biodiversité. Selon Mme Après que le Pacte été approuvé par le collège des commissaires,von der Leyen, le Green deal est pour l’Europe un "man on the moon moment". En v.f. : l’équivalent de l’effort jadis fourni pour envoyer un homme sur la Lune, rien que ça - la pertinence de la comparaison est discutable, l’élément de langage marque les esprits.

Le Pacte vert contient "50 actions pour 2050", qui seront toutes lancées d’ici 2021. Il est impossible de dresser ici la liste exhaustive des plans, stratégies, propositions et révisions législatives, initiatives examens, évaluations et autres mesures qu’il contient. On peut cependant tracer les grandes lignes du Green deal.

1 Réduction des émissions de 50 à 55 % en 2030 ; objectif neutralité en 2050

L’engagement le plus emblématique du Pacte vert, et qui justifie la quasi-totalité des mesures qu’il contient, est la révision à la hausse des ambitions chiffrées de l’Union en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), pour lutter contre le réchauffement climatique.

L’objectif (à nouveau à fixer par la Commission) est la neutralité carbone (c’est-à-dire l’équilibre entre les émissions et leur absorption par l’action humaine) à l’horizon 2050. À cette fin, la Commission proposera dès mars 2020, une "loi climat" pour transformer l’engagement politique en texte législatif. Mais aussi, insiste la présidente, pour que les investisseurs puissent prendre des décisions à long terme en connaissance de cause.

Reste que pour espérer atteindre la cible en 2050, l’UE doit revoir son objectif pour 2030. En 2014, les leaders européens ont pris l’engagement de réduire de 40 % les émissions européennes de GES en 2030, par rapport au niveau de 1990. La Commission présentera en octobre un plan global établissant un nouvel objectif pour 2030 compris entre un minimum de 50 % de réduction et un objectif idéal de 55 %. Le seuil précis sera fixé au terme de l’étude d’impact que la Commission lancera à l’été 2020. Une réduction de 55 % est considérée comme le minimum pour le groupe des socialistes et démocrates, et jugée insuffisante par les Verts et la Gauche unitaire européenne, qui placent respectivement la cible à -65 et -70 %. "Nous avons décidé de mener une étude d’impact précautionneuse pour voir ce que signiferait une réduction de 55 % d’ici 2030. Cela aura des conséquences sur l’organisation de notre économie, de notre secteur énergétique et sur celui de la mobilité. Je ne souhaite pas fixer un objectif qui serait détaché de la réalité et de ce qui est atteignable", a défendu en conférence de presse Frans Timmermans, le premier vice-président exécutif de la Commission en charge du Green deal.

Afin que les objectifs de réduction, puis de neutralité carbone, puissent être atteints, la Commission va procéder à une révision de tous les instruments législatifs existants touchant au climat d’ici 2021. Ainsi en ira-t-il notamment de la directive sur la taxation énergétique, vieille de seize ans, qui n’apparaît plus adaptée aux enjeux. La Commission promet, par exemple d’examiner les exemptions dont bénéficient actuellement les secteurs maritime et aérien.

2 Un plan gobal qui touche tous les secteurs de l’économie

Le Pacte vert "est notre nouvelle stratégie de croissance", a annoncé Ursula von der Leyen, soulignant que les objectifs de réduction d’émissions doivent être source d’innovations, d’investissements et de créations d’emplois. Aussi le Green deal couvre-t-il la quasi-totalité des activités économiques. La Commission présentera donc une stratégie industrielle européenne en mars 2020 visant à accompagner à la fois la transition verte et la transition numérique. À la même période, elle adoptera un nouveau plan d’action pour ce qui concerne l’économie circulaire. Elle fera une proposition qui doit amener le secteur de l’acier à être à zéro émission à l’horizon 2030.

Les transports "pèsent" actuellement 25 % des émissions de l’UE. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudra réduire de 90 % les émissions du secteur. La Commission veut développer une stratégie pour une mobilité "propre et intelligente", notamment en favorisant la production de carburants alternatifs. Le Pacte vert prévoit encore de faire basculer 75 % du fret routier vers le rail et le transport fluvial. Enfin, la Commission propose d’étendre le Système d’échange de quotas d’émission (ETS) au secteur maritime et de réduire les allocations de quotas gratuites accordées au secteur aérien.

3 Une nouvelle diplomatie verte, y compris en matière de commerce

Au moment où se tient la conférence sur le climat (Cop 25) à Madrid, l’Union affirme sa volonté de continuer à jouer le rôle d’exemple à suivre au niveau mondial. Cependant, l’Europe ne veut pas faire preuve de "naïveté", souligne une source européenne. La Commission veut donc créer un mécanisme d’ajustement (ne dites surtout pas : "taxe") carbone aux frontières. "Tout ce qui va être fait va augmenter le prix du carbone", note l’eurodéputé français Pascal Canfin (Renew Europe). "C’est donc logique de protéger par ce mécanisme les industries les plus affectées par la concurrence". La proposition de la Commission est attendue pour 2021. "Il faudra établir ce que sera ce mécanisme, si c’est compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce, voir ce que l’on taxe, quand, pour quel secteur et à quelles conditions", précise l’inside r.

La Commission veut aussi "verdir" la politique commerciale européenne. Le respect de l’Accord de Paris sur le climat sera un élément essentiel des futurs accords commerciaux conclus par l’UE. Concrètement, l’application d’un accord serait suspendue si l’autre partie ne respectait pas ses obligations climatiques. On verra à l’épreuve.

4 Un mécanisme pour un partage équitable de l’effort financier

"Tout cela va coûter beaucoup d’argent", rappelle une autre source européenne. L’exécutif européen a calculé qu’il faudrait des investissements additionnels de l’ordre de 260 milliards d’euros par an rien que pour atteindre les objectifs de 2030 pas encore révisés. La Commission présentera, au début 2020, un plan européen d’investissement durable, soutenu par la Banque européenne d’investissement (BEI) et le budget européen. Selon l’équipe von der Leyen, 25 % du cadre financier (CFP) 2021-2027, lourd d’un peu plus de 1 000 milliards d’euros, doit être consacré à la lutte contre le changement climatique… On verra ce qu’il en sera après que les États membres auront négocié le CFP.

Ce jeudi, lors du sommet européen, Charles Michel tentera d’obtenir un engagement politique unanime des Vingt-sept en faveur de la neutralité carbone pour 2050 (lire p.15). Pour l’heure, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque - pays dont l’économie repose largement sur le charbon- refusent d’y souscrire. Afin de rallier les réticents, la Commission propose de mettre en place un mécanisme de transition équitable, pour accompagner et aider les régions les plus "carbonivores", ainsi que les secteurs les plus polluants, à s’adapter. La Commission estime que ce mécanisme pourra mobiliser jusqu’à 100 milliards d’euros sur sept ans. Il s’appuie sur trois piliers : un fond de transition équitable, qui utiliserait les ressources de la politique de cohésion (un des principaux postes du budget européen) ; le plan InvestEU, qui consacrera au climat 30 % des moyens financiers qu’il lèvera ; les projets financés directement par la Banque européenne d’investissements, devenue "banque du climat" de l’UE. Beaucoup de questions demeurent quant aux contours de ce mécanisme, a fortiori qu’on en est encore qu’au début des négociations du budget 2021-2027. La Commission a promis de présenter une proposition dès le mois de janvier 2020.

"Nous n’avons pas encore toutes les réponses. Aujourd’hui est le début du voyage", a défendu Ursula von der Leyen. La Commission a présenté un plan de route. Reste à voir ce que les eurodéputés et, surtout, les États membres en feront et jusqu’où ils seront prêts à emmener l’Union.

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