Vésale Bioscience noue une collaboration, innovante et ambitieuse, avec l’Armée belge
Publié le 11-03-2020 à 19h02 - Mis à jour le 11-03-2020 à 19h01
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Après les microbiotiques, la PME namuroise se lance dans la phagothérapie.Joli pied-de-nez à l’actualité sanitaire que de faire venir, dans un château de la région namuroise (siège de la société biopharmaceutique Vésale Pharma), plusieurs hauts gradés de l’Armée belge et le ministre wallon de l’Économie et de la Recherche, Willy Borsus, pour assister à la signature d’une collaboration inédite consistant à développer des virus (!) capables de traiter des infections bactériennes (ce qu’on appelle la phagothérapie). L’hôte du jour est Jehan Liénart, fondateur et dirigeant de Vésale Pharma, PME connue depuis plusieurs années pour ses solutions microbiotiques.
"Imaginez qu’à la place de ce qui retient aujourd’hui l’attention du monde entier avec le coronavirus, se lance Jehan Liénart, nous ayons à affronter une épidémie due à une bactérie multirésistante ? Ce ne seront pas des milliers de malades et de décès que nous devrions déplorer, mais nous parlerions en millions de cas !"
Quand vous saurez que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de la lutte contre ces infections multirésistantes un enjeu de santé majeur pour les dix années à venir, vous comprendrez mieux l’intérêt de la convention dite "Triple Hélix" - une première belge qui associe l’industrie (en l’occurrence, Vésale Bioscience, société-sœur de Vésale Pharma), le monde de la recherche (via le "Lab MCT", laboratoire de l’hôpital militaire Reine Astrid devenu une référence mondiale en phagothérapie) et les autorités belges (via l’Armée) - qui a été signée mercredi, au château de Noville-sur-Mehaigne, entre Jehan Liénart et Lutgardis Claes, général-major et commandant de l’École royale militaire.
Seule alternative aux antibiotiques
Au carrefour de la recherche scientifique appliquée, de la santé et de l’entrepreneuriat, l’Armée belge et Vésale Bioscience ont donc décidé d’unir leurs forces pour développer des solutions alternatives, "performantes et personnalisées", aux antibiotiques dans le traitement des infections multirésistantes. "Ce que nous vivons aujourd’hui, avec le coronavirus doit être un signal pour nous tous, martèle Jehan Liénart. Il est urgent de se doter des capacités de combattre ces multirésistances et le seul moyen est la phagothérapie et l’utilisation de phages."
Pour la petite histoire, le recours à la phagothérapie n’a rien de neuf. "Elle existe depuis plus de 100 ans", indique Johan Quintens, directeur scientifique de Vésale Bioscience. Elle est toutefois passée largement au second plan avec le développement et l’essor des antibiotiques. Sauf que, depuis quelques années, les infections causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques ont augmenté de façon alarmante, relançant l’intérêt pour la phagothérapie, notamment en Europe. Elle est d’ailleurs déjà utilisée dans tous les hôpitaux universitaires belges avec plusieurs succès notoires. "Que ce soit en Belgique ou à l’étranger, nous avons déjà pu sauver de multiples patients, militaires et civils, grâce à la phagothérapie", insiste Lutgardis Claes.
Un potentiel énorme
Pour Vésale Bioscience, l’accord noué avec les experts en phagothérapie de l’Armée belge est une aubaine. "C’est l’opportunité d’entrer dans le monde des phages par la grande porte", souligne Johan Quintens. "Le potentiel de développement est énorme", ajoute Jehan Liénart, qui refuse toutefois de citer le moindre chiffre. Mais, à terme, il est probable que Vésale Bioscience devrait générer des revenus bien plus importants que ceux de Vésale Pharma.
Le patron de la société namuroise promet d’annoncer "à brève échéance" des premières solutions, notamment pour combattre le staphylocoque doré (bactérie très redoutée), ainsi que le premier prototype d’un outil de diagnostic, un "phagogramme", qui, une fois validé, pourrait être mis à la disposition d’hôpitaux et de centres de référence agréés.
Pierre-François Lovens