Jean-Claude Mourlevat, "Nobel de la littérature jeunesse"
Littérature L’écrivain français vient de recevoir le prix Astrid Lindgren d’un montant de 440 000 euros. Des fées à la modernité.
- Publié le 30-03-2021 à 18h02
- Mis à jour le 30-03-2021 à 17h59
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Traditionnellement décerné à la Foire du livre de Bologne, le prix Astrid Lindgren, considéré comme le Nobel de la littérature jeunesse, vient d’être attribué, par visioconférence, à l’écrivain français Jean-Claude Mourlevat, grand nom du livre pour la jeunesse, dont nous avons déjà souvent souligné "la plume enchantée, sincère et rigoureuse, dans la pure tradition narrative anglo-saxonne".
D’une valeur de 440 000 euros, ce prix prestigieux a été créé dans le but de rendre hommage à Astrid Lindgren (1907-2002), la mère de Fifi Brindacier, une autrice féministe, écologiste et pionnière. Figure emblématique de la littérature jeunesse, cette grande dame a été élevée au rang d’héroïne nationale dans sa Suède natale où ses compatriotes lui vouent une admiration sans bornes. À l’image de Kitty Crowther, née de mère suédoise et de père anglais, première autrice illustratrice belge à recevoir le Graal, en 2010. Lui succéda, en 2019, le néerlandophone Bart Moeyaert, formidable écrivain pour la jeunesse, lui aussi.
Sur le tard
Au tour, aujourd’hui, de Jean-Claude Mourlevat d’être sacré. Auteur, depuis 1997, d’une trentaine de livres pour enfants, adolescents, et adultes, traduits dans une vingtaine de pays, il aime les contes de fées, les fables et la fantaisie, qu’il dote d’une réelle contemporanéité, tout en restant ouvert à la misère et à la beauté. "Le temps et l’espace sont suspendus dans ses mondes fictifs, et les thèmes éternels de l’amour et du désir, de la vulnérabilité et de la guerre sont représentés dans une prose précise et onirique", a précisé le jury de l’Astrid Lindgren Memorial Award, l’ALMA.
Jean-Claude Mourlevat, cinquième d’une fratrie de six enfants, a grandi dans une ferme, sans livres. Il s’est découvert une vocation d’auteur sur le tard, peu avant la quarantaine, après avoir été professeur d’allemand puis acteur de théâtre. Des amis lui ont conseillé d’écrire. Il a envoyé son premier manuscrit à cinq maisons d’édition et a été retenu. Il pense donc que ce troisième métier sera le bon… Les lecteurs abondent dans son sens, eux qui l’ont suivi dans son conte sur les raconteurs d’histoire (L’homme à l’oreille coupée, éd. Thierry Magnier, 2003) ou dans La ballade de Cornebique (Gallimard, 2003), qui raconte l’histoire d’un bouc qui a le moral dans les talons parce que celle qu’il aime à la folie vient d’épouser son meilleur ami. Mobilisé par son chagrin d’amour, il partira par quatre chemins pour une cavale pleine de rebondissements. "Je ne me considère pas comme un auteur jeunesse, nous confiait Jean-Claude Mourlevat, avec son accent lyonnais, lors d’une précédente rencontre. En écrivant, je ne pense pas spécialement aux enfants, mais les enfants peuvent lire ce que j’écris. Je conçois mes romans comme des cadeaux ou comme un repas que je préparerais à des amis en espérant qu’ils l’apprécient."
L’écrivain, qui n’hésite pas à choisir des dispositifs narratifs inattendus, surprend, en tout cas, ses lecteurs à chaque nouveau livre, par cette diversité. En outre, les références aux œuvres classiques, la métaphore et la comparaison relient ses histoires à nos jours.
Jean-Claude Mourlevat a passé huit ans dans un pensionnat très strict. Il souffrait du mal du pays et se sentait malheureux. Il a souvent déclaré que la littérature était devenue son salut. Elle lui doit aussi beaucoup.
Laurence Bertels