Au Wiels, des artistes nous montrent l’après-Covid
Art "Regenerate" montre comment l’art peut être source d’inspiration critique.
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- Publié le 17-05-2021 à 18h13
- Mis à jour le 17-05-2021 à 18h10
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À côté de la très belle rétrospective Jacqueline de Jong que nous avons déjà présentée, le Wiels propose, sur deux étages, "Regene rate ", avec une vingtaine d’artistes souvent jeunes (nés après 1990), issus de bien des pays mais travaillant en Belgique, avec des œuvres en général réalisées en cette période de confinement. Ils ont été sélectionnés par les deux commissaires, Zoë Gray et Helena Kritis.
Le titre même de l’exposition, "Regen erate ", montre que l’art peut être, en ces temps obscurs, une source d’inspiration joyeuse mais critique, prudente mais optimiste, pour un après-Covid.
Un bel exemple en est le travail de la Suédoise vivant à Bruxelles Cecilia Bjartmar Hylta, née en 1992. À première vue, placées sur le sol, 17 formes sculpturales dans des tons pastel. En les détaillant, on remarque, seulement dans un second temps, qu’il s’agit d’airbags de voiture gonflés de résine et devenus rigides. Ils sont là comme des poumons humains de remplacement, des prothèses nous protégeant, liés aux accidents possibles, mais pour nous en préserver.
On est heureux de retrouver au Wiels Eva L’Hoest, née à Liège en 1991 et vivant à Bruxelles. Shitsukan Of Objects avait déjà été présenté à la Biennale de Lyon et le sera encore en septembre à la Triennale de Louvain-la-Neuve. Son triptyque vidéo fascine avec des images de synthèse aussi troublantes que très belles. Elles sont à la fois sensuelles, proches de nos sensations et émotions, et en même temps évoquent un inquiétant transhumanisme, la dystopie d’un monde à venir inhumain. La beauté formelle du film entre en collision fructueuse avec l’interrogation existentielle qui soutient l’œuvre.
Diversité frappante
Le Wiels veut donner ainsi la parole à ces artistes, estimant que, "d e tout temps, ils ont é t é d’ excellents baromètres de ces périodes de renouveau, ouvrant la voie en témoignant de nos combats et de notre confusion. Ces derniers mois d ’ isolement social ont offert l ’ opportunit é de se r éévaluer, de se questionner soi-même mais aussi de s ’ interroger sur les comportements de la socié t é , d’ imaginer ce qui pourrait devenir le ‘nouveau normal ’. Pour tout le monde, cela a ré v é l é ce qui était superflu, ce qui était essentiel".
La diversité des propositions est frappante, typique d’un art actuel varié qui se revendique de lui-même sans plus s’inféoder à une mode ou à une avant-garde. Elles vont des peintures très classiques de l’Israélienne Batsheva Ross, née en 1977, vivant à Bruxelles, et qui montre des dessins et peintures de cours de yoga ou de pilates devenus notre nouveau culte de la rédemption du corps, jusqu’au savoureux travail graphique de Sandrine Morgante, née à Liège en 1986, qui explore ses rapports à ses insomnies en rédigeant la nuit des textes mélancoliques ou frénétiques sur les emballages des pseudo-somnifères qu’elle ingurgite en vain.
La vidéo aussi est représentée avec Blood Sisters, équivalent déjanté, excessif et féministe des Blues Brothers, où Helen Anna Flanagan et Josefin Arnell ont suivi un groupe de dames âgées totalement hystériques pratiquant une sorte de bizutage à l’égard d’une nouvelle compagne de résidence.
Corentin Grossmann, Français de Bruxelles, né en 1980, choisit le crayon pour dessiner avec une grande maîtrise de très grandes scènes mi-réalistes, mi-fantastiques, rappelant autant Bosch que les fresques murales mexicaines.
Une autre Française de Bruxelles, Camille Picquot, née en 1990, opte pour la photographie et la série qu’elle présente montre l’étrangeté et la sensualité de notre rapport aux autres, à l’environnement, à la lumière, avec une figure humaine qui se retire, distancée de nous comme la distanciation sociale qu’on subit depuis un an.
Guy Duplat
"Regenerate", au Wiels, à Bruxelles, jusqu’au 15 août.