Que reste-t-il de nos gloires ?
David Crunelle s’est réapproprié "nos gloires". Une nouvelle façon de les voir…
- Publié le 25-05-2021 à 11h01
- Mis à jour le 25-05-2021 à 10h58
David Crunelle - Ordalie Collage Où Zedes Art Gallery, rue Saint-Georges 43, 1050 Ixelles www.zedez-art-gallery.be Quand Jusqu’au 26/06, du mercredi au vendredi de 12h à 18h, le samedi de 14h à 18h et srdv.
Au royaume de la patience, David Crunelle est roi ! Photographe et graphic designer, l’artiste belge s’est lancé dans le collage il y a sept ans. En quête de challenges techniques, il réalise des assemblages composés de multiples éléments hétéroclites. Ses outils ? Scalpels et lames bien aiguisées ! "Ordalie" est sa première exposition en solo depuis la présentation de la série "Intarsia" en 2019.
Challenge constant ? Faire de jolies choses - sous-entendu : convoquer l’esthétisme - à partir de thèmes sombres. Défi lancé. Pari tenu ! Chaque pièce apporte son lot de nouvelles contraintes techniques, appelant des formes cinétiques, des éclatements, des rehauts à l’encre de Chine ou à la peinture… Le plus souvent, il découpe avec une précision chirurgicale des motifs qu’il extrait de vieux livres abandonnés pour les recomposer dans une narration complexe, gardant pour elle certaines clés de lecture. Ses œuvres, dont certaines empruntent l’allure de marqueterie italienne, convoquent de beaux patterns, tantôt géométriques, tantôt organiques.
Entre avril 2020 et décembre dernier, le Bruxellois réalise une série de petits formats portant un regard sévère sur l’action ou inaction (?) de nos dirigeants politiques. En pratique, il s’intéresse aux grandes figures de l’Histoire belge, avec en filigrane une question : que reste-t-il de l’héritage de ces "héros" nationaux lorsqu’un pays fait régulièrement la Une de la presse étrangère en raison d’un bilan humain désastreux ?
La chute des icônes
Cette fois, le collagiste exploite les visuels de la série "Nos Gloires", ouvrages publiés par Artis Historia entre 1949 et 1962. Souvenir, souvenirs… Ces publications sont à elles seules symptomatiques de l’évolution de nos propres centres d’intérêt. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Belgique cherche dans son histoire des figures patriotiques susceptibles de porter haut les valeurs de la Nation. Des hommes faits de chair et de sang qui ont marqué notre histoire. Ce sont ces personnages incontournables et leur aura surannée que David Crunelle interroge. Il les ampute de leur puissance iconique pour les placer en simples êtres humains impuissants face à un phénomène qui les dépasse complètement. L’exemple d’André Vésale est parlant. Père de la médecine moderne, le célèbre anatomiste disséquait des corps auxquels il avait accès de façon clandestine. Mais que reste-t-il de cette icône dans les programmes scolaires d’aujourd’hui ? Autre idole, la reine Astrid. Sa mort accidentelle, en 1935, renforce l’éclat de son règne. Mais qui s’en souvient ? Réponse : une population un peu plus âgée, laquelle a collectionné les petits points Artis, qui se trouve également être la première victime de la pandémie. Démonstration réussie.Gwennaëlle Gribaumont