Fabien Pinckaers : "Il y a 90 000 personnes qui vivent d’Odoo"
Publié le 29-07-2021 à 17h52 - Mis à jour le 29-07-2021 à 17h49
Entretien Pierre-François Lovens Quel intérêt voyez-vous dans l’opération financière menée par Summit Partners dès lors qu’il n’y a pas eu d’augmentation de capital et que vous gardez plus de 50 % des parts d’Odoo ?
Il n’y a pas d’intérêt direct pour l’entreprise, si ce n’est la confiance affichée par Summit Partners et les autres actionnaires envers Odoo. Je vois cette opération davantage comme le signal qu’il est possible de connaître le succès avec un modèle de logiciels "open source"(1).
L’open source n’est pas connu pour ses succès commerciaux à grande échelle. Pourtant, c’est un choix que vous aviez fait dès la création d’Odoo en 2004.
Je dois admettre que j’avais fait le choix de l’open source plus par passion que par stratégie ! On a galéré durant plusieurs années pour devenir rentable. Il a fallu faire plusieurs pivots (changement de business model, NdlR). Le dernier, opéré en 2017, nous a fait passer d’un modèle purement open source à un modèle "open core", où 20 % des fonctionnalités de nos logiciels sont devenues payantes. C’est ce qui nous a permis de renouer avec l’équilibre financier et de mieux dormir (sourire).
L’un des avantages de l’open source est d’avoir pu créer, au fil du temps, une importante communauté Odoo. Que représente cette communauté ?
Il y a 90 000 personnes qui vivent d’Odoo, c’est-à-dire dont le métier est de développer, de vendre ou de faire du service sur les produits Odoo. Sur ces 90 000 personnes, il y en a environ 55 000 qui sont devenus des partenaires officiels de l’entreprise. L’un des résultats de ce modèle est aussi que nous avons le plus gros "App Store" d’entreprises au monde avec 25 000 applications. Le deuxième plus gros, AppExchange (Salesforce), en a 6 000.
Odoo devient officiellement la première licorne IT de Wallonie. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Ce n’est franchement pas important. La valorisation d’une société, c’est juste un chiffre à un moment donné. Nous ne réfléchissons pas en ces termes-là chez Odoo. Ce qui nous importe, c’est l’impact que l’on peut avoir pour nos clients et la gestion de leur entreprise. La valorisation d’une entreprise fait partie des vanity metrics (indicateurs qui flattent davantage l’ego des décideurs qu’ils ne sont de réels indicateurs d’efficacité et rentabilité, NdlR).
Le statut de licorne ne peut-il pas contribuer à accroître la visibilité et la notoriété d’Odoo ?
C’est vrai. Le succès d’Odoo a été bâti sur les PME. Mais, depuis un an et demi, on commence à avoir aussi beaucoup de succès auprès de plus grandes entreprises. Là, le fait d’avoir une valorisation comme la nôtre va changer la manière dont les grandes entreprises nous perçoivent.
La prochaine étape, c’est une introduction en Bourse (IPO) ?
Ce n’est pas prévu et Summit est au courant. Mais, même sans IPO, Summit réalisera une très belle opération financière lorsqu’il voudra céder ses actions. La force d’Odoo a toujours été d’être une société totalement transparente, très ouverte, très simple et très rapide dans la manière d’opérer. Être coté en Bourse amènerait une série de contraintes qui ne sont pas en ligne avec nos valeurs. Nos objectifs portent sur des lancements de projets et des améliorations de produits, pas sur une IPO.
L’objectif reste, malgré tout, de continuer à grandir rapidement ?
Oui. D’ailleurs, j’avais annoncé qu’on emploierait 2 000 personnes à la fin de cette année. On sera plutôt à 2 200. Ça montre bien qu’on est en phase d’accélération. Dans les trois prochaines années, nos revenus devraient croître à un rythme d’au moins 60 % par an.
Et Odoo d’ici cinq ans ?
Si on table sur une croissance annuelle de 50 % sur cinq ans, on pourrait atteindre un effectif de 10 000 personnes.
L’ambition est-elle aussi de rivaliser avec les géants du secteur des logiciels pour entreprises (SAP, Oracle, Microsoft…) ?
Oui, même s’il reste encore beaucoup de boulot. Mais, en termes d’acquisition de nouveaux clients, on leur prend déjà des parts de marché.
(1) Un logiciel open source est un programme dont le code source est distribué sous une licence permettant à quiconque de lire, modifier ou redistribuer ce logiciel. Notons qu’un logiciel open source n’est pas synonyme de gratuité totale.