Ce que l'on sait sur le crash très suspect de l'avion de Prigojine
Ce mercredi, peu après 19h, un avion s’écrasait à 180 km de Moscou. Selon l’Agence fédérale du transport aérien relayée par les agences de presse russes, Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine figuraient parmi les dix passagers, tous décédés.
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- Publié le 23-08-2023 à 21h38
- Mis à jour le 23-08-2023 à 21h26
Il était 19h30 à Moscou lorsque le compte Telegram du média spécialisé dans les faits divers "Baza" diffusait les images d’un avion privé, qui s’est écrasé entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Quelques minutes plus tard, cette chaîne diffusait une vidéo tournée par une femme, choquée, qui affirmait que deux objets avaient touché l’avion avant qu’il ne s’écrase. Elle croyait voir un drone, comme beaucoup de Russes s’y sont habitués ces derniers mois, mais les images montraient bien les décombres d’un avion privé en feu.
Puis, des photos de cadavres calcinés sont apparues, dont un, décapité. La chaîne a rapidement affirmé que cet avion, connu de ceux qui suivent les activités de Wagner, appartenait au milicien. Quelques minutes plus tard, le gendarme de l’aviation russe précisait à l’agence de presse Tass qu’Evgueni Prigojine était sur la liste des passagers, avec une rapidité suspecte. Mais les réseaux sociaux, qui d’un côté s’inquiétaient pour le chef de la milice et de l’autre, ironisaient sur son sort, détectaient dans la foulée un deuxième avion lui appartenant, qui rebroussait chemin vers Moscou.
Confirmation du gouverneur de la région
Il aura finalement fallu attendre 20h20 dans la capitale russe pour que le gouverneur de la région de Tver affirme que le patron de Wagner avait bien été tué dans le crash de son avion. À ses côtés volaient neuf autres personnes dont trois assistants de bord. Le créateur originel de Wagner, Dmitri Outkine, qui assumait encore un rôle au sein de la milice, aurait également été tué.
Si les faits sont avérés (et Wagner les a confirmés mercredi soir sur son compte Telegram), il faudra beaucoup d’aplomb au Kremlin pour faire croire à un accident tant la coïncidence est glaçante. Vladimir Poutine avait publiquement qualifié le chef de la milice de "traître" et donc d’ennemi. Peut-être le Kremlin ne prendra-t-il même pas la peine de nier clairement sa responsabilité. Car le président russe aime rappeler haut et fort le destin qui attend les traîtres dans son pays. Vladimir Poutine a d’ailleurs fait preuve d’un cynisme morbide, mercredi soir. Alors que les médias diffusaient les images de l’avion en feu, lui s’est affiché à Koursk devant… un orchestre. Or, c’est ainsi que les Russes surnommaient la milice.
Le système antiaérien de défense ?
Pour ceux qui veulent croire à l’accident, il faut rappeler, que le système antiaérien de défense russe n’est pas infaillible. Au printemps dernier, un système de ce type avait détruit plusieurs hélicoptères et avions de l’armée russe par mégarde, faisant plusieurs morts. Mais le destin du chef de Wagner semblait scellé depuis longtemps. Depuis l’organisation de sa mutinerie à Moscou, en juin dernier, Vladimir Poutine s’était employé à détruire, morceau par morceau, son empire, et donc son influence. Le Président ne pouvait agir radicalement, Prigojine avait beaucoup de soutiens en Russie, notamment au sein de l’armée.
Ce n’est que mardi que le ministère de la Défense a officiellement destitué le proche du chef de Wagner, le général Sergueï Sourovikine, de ses fonctions de commandant en Ukraine. Quelques heures avant sa mort, Evgueni Prigojine s’était affiché en Afrique, d’où il revenait certainement mercredi. Il tenait à montrer qu’il était encore à la tête de la milice, qu’il était encore aux affaires en Russie. Il se croyait indispensable au pouvoir, protégé par une sorte d’aura politique acquise ces derniers mois. Le Kremlin a su maintenir cette illusion auprès du mercenaire comme du grand public. Si la mort de Prigojine devait bien être confirmée, tout juste faudra-t-il gérer un frisson de mécontentement au sein des nationalistes russes.