Des entreprises trop peu inclusives ? "Les résultats se font attendre"
La Libre Eco week-end | Un travailleur sur deux estime que son employeur n’accorde pas assez d’importance à l’inclusion.
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- Publié le 03-09-2023 à 17h09
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Les travailleurs en Belgique sont globalement assez ouverts à la diversité en milieu professionnel : 2 sur 3 n’accordent aucune importance ni à l’âge ni aux convictions religieuses et origines ethniques et seraient heureux de travailler avec des collègues ayant un bagage différent. Pourtant, 56 % des personnes interrogées n’ont pas de collègue partageant d’autres convictions religieuses, 58 % aucun collègue d’origine ethnique différente et 87 % de collègue souffrant d’un handicap physique, selon une enquête de Tempo-Team menée auprès de 2 500 travailleurs et 250 employeurs en Belgique.
D'après cette enquête, un fossé semble se creuser entre les travailleurs et les employeurs. Ainsi, par exemple, si 61 % des employeurs déclarent tenir compte des besoins spécifiques des femmes au travail, seuls 43 % des salariés partagent cet avis. Ce fossé existe aussi en matière d'âge (57 % contre 44 %), de convictions religieuses (59 % versus 41 %), d'origine ethnique (59 % versus 41 %), de mesures prises en faveur du groupe LGBTQIA + (51 % versus 38,8 %) ou encore de handicap physique, point sur lequel le fossé est le plus criant (81,3 % versus 59,8 %). "Ce fossé peut s'expliquer par la différence entre les intentions et les résultats. De nombreuses entreprises ont défini une politique ou adopté une charte mais les résultats se font attendre", commente Sébastien Cosentino, porte-parole de Tempo-Team. "De plus la diversité n'est rien sans inclusion. C'est bien d'avoir un certain nombre de représentants de minorités dans l'entreprise, mais encore faut-il qu'ils se sentent inclus, intégrés. Il y a les chartes, mais à côté de cela, il y a aussi la vie de tous les jours au sein des équipes."
Pour lui, l'inclusion ultime est celle où l'entreprise est diverse et inclusive sans qu'elle ait eu besoin de faire quelque chose. "Dans une offre d'emploi, on ne va pas, par exemple, dire qu'on recherche à tout prix une personne de telle conviction religieuse. On met simplement qu'on cherche quelqu'un avec telles compétences. Et c'est une personne de cette conviction qui se présente et est engagée. À terme, la diversité ne devrait plus être un sujet."
Une mission de l’entreprise
La question de la diversité est pour l’instant essentielle dans les entreprises. Ainsi, un récent sondage annuel (Baromètre RH), mené par la Vlerick Business School et Hudson auprès des responsables en ressources humaines des 200 plus grands employeurs belges, révèle que pour 78 % d’entre eux les aspects DEI (diversité, égalité et inclusion) font partie de la mission de l’entreprise. Quelque 73 % pensent que l’approche DEI est non seulement juste, mais aussi essentielle à la survie de l’entreprise. Un peu plus de la moitié (57 %) estime qu’une équipe diversifiée est plus performante.
"Un personnel bigarré et une entreprise inclusive sont deux facteurs importants pour la motivation et le bien-être ressentis par les travailleurs. En effet, tous les talents présents y sont exploités de façon optimale. Chacun peut se développer entièrement et se projeter à long terme, souligne la professeure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven, qui a participé à l'étude de Tempo-Team. Mais il est important de créer un climat favorable dans lequel chacun ose exposer ses perspectives et accepter celles des autres. C'est dans de telles conditions que la diversité améliore vraiment les prestations de chacun."
À terme, la diversité ne devrait plus être un sujet.
Quand il faut évaluer la diversité
Estimant que la façon dont les entreprises mesurent la diversité n'est souvent pas assez complète pour évaluer sa profondeur, sa complexité et sa sensibilité, Deloitte propose le Deloitte Inclusion Scan qui utilise la recherche pour suggérer une nouvelle approche afin de faciliter les stratégies DEI (diversité, égalité et inclusion). Il aborde trois points centraux. Un, cinq sous-domaines ont été identifiés comme des groupes thématiques garantissant l'inclusion : l'équité, la cohésion au sein du groupe de travail, la valorisation des différences, le leadership inclusif et la participation à la prise de décision. Ensuite, deux points de vue ont été identifiés sur la manière dont l'inclusion est évaluée : l'inclusion fonctionnelle et l'inclusion perçue. Enfin, il reprend trois niveaux auxquels on perçoit l'inclusion (l'organisation, l'équipe et l'individu). "Grâce à ce nouvel outil, les entreprises peuvent se faire une idée précise de leur position et des domaines dans lesquels elles peuvent procéder à des ajustements", assure Deloitte.
Le cabinet de conseil en technologies NTT Data, qui emploie 190 000 personnes à travers le monde, a obtenu la certification Global Equality Standard d'EY qui fournit un diagnostic de tous les aspects sociaux en entreprise, de l'égalité des sexes et de l'égalité des chances. La certification a été obtenue pour tout le groupe qui a mis en place une stratégie globale mais chaque filiale développe des actions pensées en fonction du contexte local. "Nous avons notamment travaillé avec Actiris pour une évaluation détaillée de notre recrutement. C'était intéressant d'avoir un œil extérieur. Nous avons ainsi analysé toute la communication faite aux candidats durant tout le processus de recrutement. Nous pensions que nous étions très bons en matière de diversité, mais on s'est rendu compte que nous n'en faisions pas assez", raconte Sophie Leconte, directrice générale Benelux et France chez NTT Data. La société a depuis, entre autres, lancé en interne des ateliers de sensibilisation aux personnes LGBTQ. "Il s'agit par exemple de voir comment s'adresser à une personne la première fois quand on ne connaît pas son orientation sexuelle", détaille Sophie Leconte. La filiale belge a également lancé un programme Women Together avec du mentoring et des formations spécifiques pour permettre de faire évoluer les femmes vers le top management. "Nous travaillons aussi sur une campagne pour cibler les plus de 45 ans."