Le cas soumis à des étudiants
Publié le 15-01-2001 à 00h00
Un bel exemple de critique historique appliquée: alors que la commission d'enquête poursuivait ses travaux, l'affaire Lumumba a aussi été inscrite au programme du séminaire de licence en histoire contemporaine de l'Université catholique de Louvain.
Après un «discours de la méthode» approprié, des étudiants ont décortiqué une série de reportages télévisés consacrés à l'indépendance congolaise, le livre de Ludo De Witte (par qui le «scandale» est arrivé), le contexte et les conditions de travail de la commission parlementaire, les prises de position politiques, la presse, tout en remettant en lumière le contexte de 1960-1961 et la personnalité du leader du Mouvement national congolais. «Des sources d'époque ont été examinées, nous dit le professeur Michel Dumoulin, notamment le rapport de la commission d'enquête de l'Onu du 11 novembre 1960, les débats parlementaires belges de février-mars 1960, les travaux de la commission d'information du Sénat américain en 1975. D'autres étudiants ou étudiantes se sont penchés sur le mythe de Lumumba à travers la peinture naïve congolaise ou sur les sites Internet qui montrent comment, aux Etats-Unis, son image est associée à celle de Malcolm X.»
Dernière étape, les futurs historiens de Louvain-la-Neuve ont rencontré Jean Van Lierde, François Ryckmans, Jean-Luc Vellut, Jacques Brassinne avec des questions aussi nombreuses que pertinentes à leur poser.
De quoi prendre la mesure de la complexité des faits, et aussi s'interroger sur la possibilité, pour un aréopage de députés et d'experts, de démêler pareil écheveau en peu de temps? «La démarche, rapporte le professeur Dumoulin, nous a conduits à dire, avec le plus grand respect pour l'institution parlementaire, qu'il aurait sans doute été plus opportun de faire confiance à un groupe d'historiens de métier, comme on l'a fait en Suède à propos de l'affaire Wallenberg ou dans différents pays à propos des biens juifs. On n'aurait pas demandé à ces chercheurs de dire l'histoire comme vérité révélée. Ils auraient pu montrer les aspects discordants irréductibles, en laissant aux citoyens le soin de se faire une religion.»
Parmi beaucoup de constats a émergé celui de l'importance de la perception qu'on pouvait avoir, il y a quarante ans, des enjeux de la Guerre froide. «Chez beaucoup de jeunes, cette dimension échappe un peu aujourd'hui.» Epinglée aussi, la surprise que constitua, au printemps 1960, le désintérêt des leaders congolais pour la table ronde économique. «N'a-t-on pas pensé, dans les milieux de la décision, qu'on pourrait après l'indépendance exercer une forme de tutelle? Et qu'au fond, pas grand-chose ne changerait?»
© La Libre Belgique 2001