"Mobutu a pris le pouvoir avec l'aide des Belges"
La Commission Lumumba a entendu vendredi après-midi deux autres représentants des victimes de l'assassinat du 17 janvier 1961, à savoir, Robert Okito, fils de l'ex vice-président du sénat Joseph Okito, et Jacqueline Mpolo, fille de l'ex-ministre Maurice Mpolo.
Publié le 14-06-2001 à 00h00
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La Commission Lumumba a entendu vendredi après-midi deux autres représentants des victimes de l'assassinat du 17 janvier 1961, à savoir, Robert Okito, fils de l'ex vice-président du sénat Joseph Okito, et Jacqueline Mpolo, fille de l'ex-ministre Maurice Mpolo.
S'exprimant au nom des représentants des victimes, ils n'ont pas dû non plus prêter serment.
Les deux représentants ont raconté l'un après l'autre les violences subies lors de la neutralisation des institutions congolaises par le colonel - il deviendra ensuite maréchal - Mobutu. Robert Okito se souvient - il avait déjà 17 ans - d'avoir alors perdu un frère, tandis que la mère de Jacqueline Mpolo dut avorter à la suite des violences subies lors de pillages à leurs domiciles respectifs et lors de leur incarcération au camp Léopold II.
C'est donc surtout le personnage de Joseph Mobutu qui est revenu au centre de ces deux témoignages. Un personnage qui était déjà informateur du régime colonial et qui fut formé en Belgique, a rappelé Robert Okito. «Si vous voulez me faire croire que Mobutu a pris le pouvoir sans l'aide des Belges, c'est faux », a-t-il soutenu.
Jacqueline Mpolo, alors âgée de 7 ans, se souvient également de l'insécurité totale qui régnait lors de la neutralisation de Patrice Lumumba et Joseph Kasa Vubu par le colonel Mobutu. Elle se rappelle de son père qui tentait de fuir Kinshasa encerclée par les militaires.
Au contraire de Robert Okito qui n'eut plus de nouvelles de son père après son arrestation en novembre 1960, Jacqueline Mpolo put en avoir via son oncle qui était militaire au camp de Thijsville, où étaient détenus Patrice Lumumba, Joseph Okito et Maurice Mpolo.
Elle se souvient également de rumeurs qui circulaient au début du mois de février 1961 faisant état de leur assassinat. Ces rumeurs allaient ensuite être corroborées par la presse quelques jours plus tard. C'est alors seulement que Robert Okito entendu parler de la mort de son père.
Se tournant vers les membres de la Commission Lumumba, celui-ci a lancé un vif plaidoyer en faveur d'un nouveau départ des relations belgo-congolaises. «Aujourd'hui que le Congo est redevenu le Congo, aidez-nous, aidez le président Joseph Kabila, on va reconstruire un grand pays ensemble », a-t-il dit.
Quant à Jacqueline Mpolo, encore touchée par l'émotion suscitée par des événements qui la poursuivent toujours 40 ans après, elle expliqua comment elle avait encore été battue et sa maison pillée en 1993 alors qu'elle venait de témoigner sur ces évenements lors de la Conférence nationale. S'interrompant pour essuyer quelques larmes, elle supplia les parlementaires: «mesdames, messieurs de la Commission, travaillez sur ce dossier ».
Concluant les interventions, le président de la Commission, Geert Versnick, a déclaré que la Belgique contacterait les autorités congolaises afin de se procurer le rapport de la Commission assassinats du Congo qui enquêta au début des années '90 sur la disparition des 3 victimes mais qui ne déboucha sur aucun résultat.
La Commission reprendra ses travaux lundi.
Interrogée vendredi dans les couloirs du Parlement, la fille de l'ex-président congolais Joseph Kasa Vubu, Mme Justine Kasa Vubu, venue assiter aux auditions de la Commission Lumumba, faisait état de sa mauvaise humeur alors qu'aucun membre de la famille Kasa Vubu n'est mentionné au calendrier des prochaines auditions. "Moi, j'ai l'impression que cette Commission a déjà établi sa vérité", a déclaré Justine Kasa Vubu. Selon la présidente du Mouvement des Démocrates (MD), cette Commission ne tient pas compte du contexte de l'époque. Madame Kasa Vubu a déploré que l'on salisse ainsi la mémoire de son père sans qu'aucun membre de la famille Kasa Vubu ne puisse venir exprimer son point de vue sur les événements de l'époque. Constatant que M. François Lumumba était présent vendredi en qualité de représentant des familles des victimes, elle ne comprend pas qu'elle n'ait pas été invitée, ni par le président de la Commission ni par les experts, à venir apporter son témoignage.