D'Aspremont Lynden vu par son fils

Outre les représentants des familles Lumumba, Okito, Mpolo, Tshombé, la commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat de Patrice Lumumba a aussi reçu Arnoud d'Aspremont Lynden, fils de Harold, ministre des Affaires africaines au moment des faits. Celui qui avait quatorze ans à l'époque entend aujourd'hui défendre la mémoire de son père, mort en 1967. Nous l'avons interrogé.

PAR PAUL VAUTE

ENTRETIEN

Outre les représentants des familles Lumumba, Okito, Mpolo, Tshombé, la commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat de Patrice Lumumba a aussi reçu Arnoud d'Aspremont Lynden, fils de Harold, ministre des Affaires africaines au moment des faits. Celui qui avait quatorze ans à l'époque entend aujourd'hui défendre la mémoire de son père, mort en 1967. Nous l'avons interrogé.

Pourquoi la commission a-t-elle souhaité vous entendre alors que vous n'êtes pas témoin oculaire?

Le point de départ des travaux a été le livre de De Witte, qui met mon père en cause et a reçu une grande publicité. Il me paraît normal que les arguments en faveur du ministre d'Aspremont Lynden puissent être entendus aussi.

La note des experts de la commission rend au moins justice sur un point à votre père: le télex demandant à Tshombé de donner son accord pour le transfert - fatal - de Lumumba à Elisabethville a été écrit de la main d'un collaborateur du cabinet et non de celle du ministre...

... Et en plus, il est arrivé après que Tshombé ait pris sa décision. Mon père n'avait d'ailleurs pas d'ordre à lui donner. Un autre élément important concerne le télex d'octobre 1960, où il est question de l' «élimination définitive» de Lumumba. C'est évidemment d'une élimination politique qu'il s'agissait.

La question des «covert actions» menées dans l'ombre, en revanche, reste ouverte. Les experts écrivent que les projets de complot ou d'attentat du major Loos et du lieutenant-colonel Marlière reposent sur des instructions du ministre.

Ils le disent, je ne le conteste pas et ne l'approuve pas. Je n'en sais rien. Une chose est sûre si ces opérations ont eu lieu, c'est qu'elles n'ont jamais abouti à quoi que ce soit de concret. Loos (qui était conseiller au cabinet) et Marlière étaient des militaires et on peut se demander s'ils n'étaient pas plus expéditifs que mon père...

L'ancien chef de la résistance anversoise Edouard Pilaet, qui est intervenu dans ces tentatives, affirme dans sa correspondance (1) que le ministre était au courant et qu'étant lui aussi un ancien résistant, il devait comprendre dans quelles conditions se menait une action clandestine.

C'est vrai que mon père avait été résistant, qu'il était colonel dans la réserve et qu'il aimait l'armée. Mais ce n'était pas un tueur. Même pendant la guerre, il était écoeuré par ceux qui tuaient des Allemands en risquant de faire plus de mal que de bien. Je ne vois pas, dès lors, comment il aurait accepté ces méthodes sur le terrain de la politique. Je me souviens qu'il parlait de Lumumba comme d'un adversaire de taille, qu'il fallait empêcher d'être au pouvoir. Mais de là à envisager un assassinat...

Lumumba était lui-même un assassin. L'Onu a qualifié de «génocide» la répression au Sud-Kasaï, dont il a porté la responsabilité. Et il y avait aussi la menace soviétique. Dans un tel contexte, la raison d'Etat ne peut-elle pas conduire à des décisions dures?

Je ne crois pas. Ce n'est pas du tout dans nos traditions occidentales, européennes.

Où se trouvent les archives de votre père?

Je les ai envoyées aux Archives générales du Royaume, avec une autorisation de soumettre à la commission tout ce qu'elle demanderait. On n'a pas eu besoin de perquisitionner chez moi.

1 Voir nos éditions de mardi.

© La Libre Belgique 2001

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