La machine à manipuler, encore
Il fallait s'y attendre - et d'ailleurs, on n'est guère surpris: Marc Dutroux a remis en marche sa vieille machine à manipuler. En fait, le pervers connaît assez bien le dossier pour savoir qu'il est coincé par un certain nombre d'évidences et que certaines d'entre elles vont apparaître de façon percutante au cours des débats, qui ne sont qu'à peine entamés.
Publié le 02-03-2004 à 00h00
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ANALYSE
Il fallait s'y attendre - et d'ailleurs, on n'est guère surpris: Marc Dutroux a remis en marche sa vieille machine à manipuler. En fait, le pervers connaît assez bien le dossier pour savoir qu'il est coincé par un certain nombre d'évidences et que certaines d'entre elles vont apparaître de façon percutante au cours des débats, qui ne sont qu'à peine entamés.
Les exposés des juges Connerotte et Langlois, les témoignages de Sabine et, si elle vient en rendre compte à l'audience, de Laetitia mettront au jour le «système Dutroux» - triche, mensonge et manipulation - et sa très lourde responsabilité. Ceux de Michelle Martin et Michel Lelièvre ont d'ailleurs déjà commencé à le faire, mercredi (lire par ailleurs). Le problème de Dutroux est dès lors de gripper autant qu'il le peut cette «machine de guerre» implacable, qu'il sait lui être bientôt fatale. Mais comment?
Insultes à l'intelligence
Nier en bloc? Il l'a déjà fait et ça n'a pas «marché». Moduler une demi-vérité sans se mettre en danger? Il s'est également «planté». Mettre les victimes en cause («Eefje aimait bien» d'être chez lui, a-t-il dit entre autres choses pires encore), cela n'a convaincu personne. Charger un mort comme Bernard Weinstein, pas davantage. Il avait eu affaire à des enquêteurs et des magistrats n'ayant même pas cillé en entendant ces âneries - autant d'insultes à l'intelligence.
Bref, stratégie de rupture? Ou de connivence, comme le mot a été dit, s'agissant pour lui d'aligner plusieurs de ses déclarations sur les attentes de certaines parties civiles (le réseau, la complicité de Michel Nihoul), afin d'empêcher un vrai débat?
L'idée induite par ses manoeuvres est surtout que Dutroux essaie tout bonnement d'user à nouveau son talent de manipulateur. Cette «manip» paraît simple: puisqu'il ne peut empêcher la «machine de guerre» de dire la vérité, il a décidé de la noyer autant que faire se peut. On prendra l'image d'un avion. Celui de Dutroux est en chute verticale et il le sait. Il sait également qu'il est forcé de toucher terre. Mais il tente de redresser l'avion, de le faire atterrir sous un angle moins droit, afin de réduire la casse. Et d'en rajouter, donc, à l'approche du procès, sur le «réseau». Et d'en rajouter désormais sur Nihoul... Cela ne l'empêchera pas d'être condamné, mais il espère infléchir l'angle en «chargeant» les autres. Deux objectifs: estomper l'évidence de sa perversité, car il tient à son image (ceci peut surprendre mais ressort assez clairement du dossier). Et, comme cela apparaît dans certains de ses courriers, réduire sa peine ou, au moins, augmenter ses chances d'obtenir un jour une libération conditionnelle, pour illusoires qu'elles soient.
Au plus on le croira...
Et ce n'est sans doute pas fini: comme il l'a toujours fait, Dutroux adaptera son discours en fonction du «feed-back», du retour, de l'effet de ses déclarations. Au plus on le croira, au plus il en jettera. Mais comme jamais il n'a dit la vérité entière et limpide, n'en lâchant des éléments que contraint et forcé par les interrogatoires et les faits matériels, il ne faut pas trop compter la voir surgir telle quelle. Si par exemple Nihoul était éventuellement son complice véritable, ce n'est pas ainsi qu'on l'apprendrait...
Mais le jeu de Dutroux présente des risques, pour lui-même. En variant ses déclarations anciennes selon le même schéma, il s'est déjà «coupé», livrant sans s'en rendre compte des éléments à sa charge. Autre risque, plus imminent: si le jury ne se laisse pas manipuler, la fable de «Pierre et le loup» coupera Dutroux de sa crédibilité, pourtant déjà minuscule.
Reste que c'est sa liberté de se défendre comme il l'entend. Et que c'est en réalité à ceux qui l'écoutent de faire le tri. C'est une nécessité, pour l'opinion publique. Et un devoir, pour le jury.
© La Libre Belgique 2004