La Flandre ne prendra pas Bruxelles...
Elio Di Rupo, le président du PS, riposte à Yves Leterme qui estimait que la Wallonie était à la traîne en tout. Si la Flandre veut briser la solidarité fédérale, le PS remettra en cause les frontières linguistiques.
- Publié le 27-04-2006 à 00h00
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ENTRETIEN
Il ne se passe pas un jour sans que le ministre-président flamand, Yves Leterme, ne déblatère contre le Sud du pays et évoque le poids de la Wallonie. Son alter ego wallon, Elio Di Rupo, riposte.
Yves Leterme est-il un «dangereux séparatiste»?
Je ne m'exprime jamais de cette manière. Le problème est que le CD&V, le parti de M. Leterme, a dans son programme le confédéralisme. Toutes leurs propositions visent à régionaliser de plus en plus de matières, sous une pseudo argumentation qui affirme que dans ce cas, la Flandre irait mieux. Si on devait accepter leur théorie, cela mettrait la Wallonie dans une position dramatique, en grande difficulté financière et sociale.
Peut-on dire non à tout?
Nous ne demandons rien. Nous pensons qu'il est préférable de chercher à résoudre les difficultés de nos concitoyens, dans tous les domaines. Mais si le CD&V dépose des revendications de nature purement institutionnelles, nous demanderons l'élargissement de Bruxelles-Capitale où vivent 90 pc de francophones. Choquant? Non. J'essaye de montrer à mes amis flamands qu'ils ne sont pas les seuls à pouvoir revendiquer. La Belgique est le fruit d'un équilibre entre des frontières linguistiques totalement artificielles et une solidarité organisée. Le Nord bénéfice d'une frontière qui est totalement artificielle. Si l'on demandait aux populations locales ce qu'elles en pensent, ces frontières changeraient immédiatement. Si on touche à un élément de l'équilibre, tout peut être mis en cause.
Les Flamands souhaitent une objectivation des transferts du Nord vers le Sud...
Aujourd'hui cette solidarité va du Nord vers le Sud, mais il faut tenir compte de l'histoire depuis 1831. La solidarité a été du Sud vers le Nord durant plus d'un siècle. Et de quelle manière. Voyez aussi ce qui se passe dans d'autres pays, comment le Nord milanais contribue au reste du pays -deux trois fois plus que chez nous. Pareil pour le bassin londonien par rapport aux autres régions moins riches de Grande-Bretagne, ou la Région Île de France. L'espoir renaît en Wallonie, on regorge de projets. Ce n'est pas le moment d'alterner ce dynamisme. Il faut arrêter de culpabiliser le Sud du pays. Il est aussi dans l'intérêt de la Flandre que la Wallonie se développe. La Wallonie redeviendra plus riche. Dans les différences régionales évoquées, il faut aussi tenir compte de tous les investissements réalisés ces 50 dernières années aux frais de l'Etat fédéral: le port de Zeebrugge, les autoroutes,... De plus la loi de financement est totalement désavantageuse pour les Wallons. Il y a tant d'arguments qui démontrent qu'il faut relativiser, qu'il n'y a aucun scandale. Nous ne voulons pas être des assistés, nous nous reprenons en mains.
Yves Leterme affirme que la Wallonie est à la traîne dans tous les domaines...
C'est désobligeant et totalement inexact. Récemment, la Flandre a encore tenté de démontrer que les Wallons avaient des revenus bien moindres que les Flamands: quand on fait l'analyse, on se rend compte que dans certaines communes flamandes, les revenus sont plus bas que dans la moyenne des communes wallonnes.
Pensez-vous que les Flamands veulent la fin de l'Etat belge?
Peut-être, Yves Leterme refuse-t-il la solidarité et la collaboration entre le Nord et le Sud du pays parce que, tout simplement, il ne veut plus de la Belgique et du royaume. Peut-être le pense-t-il sincèrement sans oser le dire? Et pourquoi n'ose-t-il pas le dire? Parce qu'il n'y a certainement pas de majorité en Flandre pour cela. Mais si Monsieur Leterme rêve d'une autonomie de la Flandre avec Bruxelles, il rêve! Jamais nous ne laisserons faire cela. Bruxelles est et restera très majoritairement francophone.
Yves Leterme est-il un futur Premier ministre acceptable?
Le problème n'est pas là. Attendons de voir les résultats des élections et les partis qui seront autour de la table. Mais, plus largement, sur la durée, sur une période de 20, 30 ou 40, dans un pays où il y a 40 pc de francophones, je pense qu'il ne serait pas anormal que pendant 4/10esdu temps, il y ait un Premier ministre francophone, de quel que parti que ce soit.
Un acte de candidature...
Je vous ai dit quels étaient mes objectifs: redresser la Wallonie, défendre les francophones et un succès pour ma formation politique.
© La Libre Belgique 2006