Les «Ritals» et l'épreuve du non-retour

Rachel Crivellaro

Ce début de «Giro» d'Italie en terres wallonnes a aussi pour vocation de célébrer le 60 éme anniversaire du traité belgo-italien ainsi que le 50 éme anniversaire de la catastrophe du Bois du Cazier (cf-ci-dessous). Le traité «main-d'oeuvre contre charbon» a été signé le 23 juin 1946 et il marque l'arrivée des premières vagues d'immigrés italiens en Belgique. Cette immigration tranche avec la vague précédente, plus politique et moins nombreuse, qui à la fin des années 20 a fui le régime fasciste de Mussolini. En 1946, la guerre est à peine terminée et la Belgique manque de main d'oeuvre. L'Italie de son côté sort exsangue du conflit et a besoin de matières premières. Le «deal» entre les deux pays est très simple: la Belgique fournira du charbon à l'Italie en «échange» de ses travailleurs.

Charbonnages

Les Italiens commencent à affluer à Bruxelles, au rythme de 2 000 par semaine, soit environ 300 travailleurs par jour. C'est à Bruxelles que s'opère le tri, les travailleurs immigrés sont dirigés vers les divers charbonnages de Wallonie. Il s'agit d'une immigration économique qui se caractérise par de jeunes travailleurs venus avec l'intention de retourner en Italie. Mais, le regroupement familial ou encore la création d'une famille en terre d'immigration va modifier bon nombre de destins. Peu d'immigrés de la première heure sont finalement rentrés au pays, les deuxième et troisième générations ont désormais souvent la nationalité belge.

Si, au fil des années, l'origine des immigrés s'est considérablement diversifiée, avec ses quelque 300 000 ressortissants, les Italiens restent la communauté étrangère la plus importante de Belgique. La Wallonie compte environ 200 000 personnes de nationalité italienne; la province de Liège en compte à elle seule 50 000 non naturalisés. Reste que la prise de conscience de l'installation définitive des Italiens en Belgique sera tardive. Cette conscience s'est précipitée également aux yeux des autorités belges qui mettent en place, après une politique d'immigration, une politique d'intégration dans les années 80. L'intégration s'opérera plus facilement que la proportion d'Italiens diminue dans le temps et que les jeunes générations sont essentiellement belges.

Mais, si on a coutume de présenter la communauté italienne de Belgique comme un modèle d'intégration, il faut bien reconnaître que les «Ritals» ne se distinguent pas radicalement des autres communautés immigrées. L'ascenseur social a certes fonctionné, mais à géographie et à intensité variables. A Bruxelles, par exemple, la diaspora italienne est plus récente et se fond avec les débuts de la Communauté européenne. A la fin des années 50, les Italiens sont surreprésentés dans la classe ouvrière. Petit à petit, le déclin de l'industrie charbonnière va les pousser vers d'autres secteurs d'activités, notamment la sidérurgie et la construction. Désirant améliorer leur condition et se faire une place dans la société, ils n'hésitent pas à investir dans des PME dont beaucoup se maintiennent à force de travail. Aujourd'hui, la situation ne semble pas avoir fondamentalement changé, même si un certain nombre de fils d'immigrés occupent les fonctions de médecins, avocats, ingénieurs ou enseignants.

Marqués par l'origine prolétarienne de leurs parents, les descendants de cette première grande vague migratoire sont encore largement concentrés dans l'enseignement technique et professionnel et restent sous-représentés dans l'enseignement supérieur et universitaire. Par contre, de nombreux Italo-Belges se sont investis dans les organisations syndicales et dans la politique. Mais, si l'on prête au plus connu d'entre eux un destin de Premier ministre, il n'en reste pas moins l'arbre qui cache la forêt.

© La Libre Belgique 2006

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...