Une prise de conscience salutaire

Jean-Claude Matgen

Manuel Abramowicz, coordinateur de la revue «RésistanceS», se réjouit de voir une enquête policière se déployer autour des milieux d'extrême droite et donner des résultats tangibles.

Enfin

Cela traduit, observe-t-il, une volonté des autorités policières, judiciaires et politiques de prendre, «enfin» ajoute-t-il, au sérieux des menées subversives et déstabilisatrices.

«On n'a pas toujours fait preuve d'autant de fermeté. Longtemps, les milieux d'extrême droite ont pu profiter d'un certain laxisme, en dépit des flots de propagande haineuse répandus sur Internet notamment.» Cette fois, il semble que l'intention des personnes interpellées était d'organiser un attentat contre l'appareil de l'Etat belge. N'est-ce pas nouveau? Oui et non, répond Manu Abramowicz. L'expert estime qu'on n'a jamais pu parler en Belgique de la préparation d'attentats d'envergure et que si l'affaire mise au jour par le parquet fédéral devait se révéler aussi importante que les premiers indices le laissent entendre, il s'agirait sans doute d'une première.

Opérations commando

Jusqu'à présent, dit M.Abramowicz, les velléités terroristes des groupements d'extrême droite consistaient surtout en des opérations commando, plus improvisées que réellement concertées et planifiées.

«Rappelez-vous que le réseau du Westland New Post avait préparé, dans les années 80, des attentats plus ou moins structurés contre des quartiers arabes. Il y a eu des attaques contre des librairies de gauche ou des cafés fréquentés par des Arabes, la descente contre un café des Fourons par des jeunes du VMO et d'autres expéditions punitives mais rien de réellement structuré. A la fin des années 80, la découverte d'un dépôt d'armes et de documents édifiants a pu faire penser que «La Loge noire» préparait un attentat contre les institutions mais il s'agissait d'une organisation plus folklorique que terroriste.»

Attirance mutuelle

A propos des liens existant entre les militaires et les groupuscules néo-nazis ou fascistes, Manu Abramowicz est formel: «Ils ne sont pas neufs».

«L'armée, qui compte je tiens à le préciser, une écrasante majorité de démocrates et de nombreux militants dans des organisations de défense des droits de l'homme, a de tout temps attiré des extrémistes, séduits par la possibilité de profiter de ses infrastructures et de ses programmes d'entraînement et soucieux de recruter à bon compte. Certains (sous-)officiers ont rêvé de coups d'Etat, d'autres se sont contentés, si l'on ose dire, de militer au sein de groupuscules extrémistes. Le fondateur et principal responsable de Nation était un ancien militaire de carrière, le patron d'Agir, à Verviers, un gendarme, l'un des principaux animateurs d'Assaut, un sous-officier chargé de l'entraînement en matière de maniement des missiles, on retrouve pas mal de militaires parmi les militants du Vlaams Belang ou du Front national.»

Enfin, observe Manu Abramowicz, le langage guerrier des formations d'extrême droite, leurs références martiales, leur goût de l'ordre et de l'honneur inspirent volontiers les «soldats».

© La Libre Belgique 2006

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