Un évêque toujours entier

L'interview de Mgr Léonard à Télémoustique suscite la controverse. L'évêque conteste certains propos mais il avait été enregistré. Portrait pointilliste d'un "homme de Dieu (très) convaincu". Donnez votre avis dans notre forum L'édito de Michel Konen : "Mgr Léonard, le procureur namurois" Une autre polémique sur le blog aux lettres de Jean-Paul Duchâteau.

Christian Laporte
Un évêque toujours entier
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portrait

Ce n'est pas une courbe rentrante mais ça y ressemble. Surpris par les réactions très négatives suscitées par ses propos sur l'homosexualité et d'autres thématiques moralo-sexuelles à "Télémoustique", Mgr André-Mutien Léonard a tenu a faire une mise au point. Où il confirme qu'en tant que responsable de l'Eglise, il a, évidemment, le droit de "juger les soins palliatifs préférables à l'euthanasie active et de défendre la vie depuis son commencement contre l'interruption volontaire de grossesse". L'évêque conteste par contre avoir parlé de l'homosexualité en terme d'anormalité mais ne le dit pas avec une conviction absolue : "En ce qui concerne l'homosexualité, je ne crois pas avoir utilisé le mot anormal que j'évite systématiquement". Pourtant, renseignements pris auprès de l'auteur de l'interview, Julien Bosseler, ce dernier confirme que les propos ont bel et bien été tenus et ils ont d'ailleurs été enregistrés. Si l'on ne peut douter de son honnêteté journalistique et déontologique, il semble que l'évêque de Namur ait surtout voulu dire que dans le feu de l'action, il a tenu des propos qu'il aurait rectifiés dans une version relue à tête reposée...

La capote, moindre mal si...

Soit, mais il n'en a fait la demande qu'en prenant congé de notre confrère. Mgr Léonard tient aussi à préciser qu'"(il) avait du respect pour les personnes homosexuelles" et qu'"(il) n'avais jamais dit que le préservatif était totalement inutile dans la lutte contre le sida". Au contraire, le voici ici plutôt sur la même longueur d'ondes que le cardinal Danneels (même s'il ne l'a pas dit dans son communiqué) qui estime que "celui qui a des relations sexuelles à risques doit se protéger et protéger autrui par tous les moyens". L'évêque de Namur conclut son communiqué en déplorant "l'agitation médiatique qui détourne du message de Pâques"...

Ce message qui se situe à mi-chemin entre la volonté de rectifier le tir et celle de réaffirmer ses certitudes type bien André-Mutien Léonard. Voilà un homme d'Eglise aux convictions fortes qui a la faiblesse de penser qu'il doit emmener dans son sillage bien affirmé le peloton des fidèles belges qui auraient la fâcheuse tendance à jouer souvent les rebelles. Ce n'est pas un hasard si, dans l'interview, l'évêque déplore que l'Eglise de Belgique soit "un maillon faible dans la meilleure des multinationales". Ce qui l'a souvent amené à se mettre en porte à faux avec certains de ses confrères de la Conférence épiscopale qui ne le proclament, évidemment, pas "urbi et orbi" mais qui se laissent parfois aller à des confidences lorsque les stylos sont rengainés et les caméras ou les micros dans leur housse protectrice.

Raté pour Liège...

Professeur à l'Université catholique de Louvain, ce grand spécialiste de Hegel se profila rapidement comme un candidat sérieux à une mitre épiscopale. D'autant plus qu'il était d'une fidélité intégrale à Jean-Paul II et au magistère le plus classique de l'Eglise catholique. Mais celui que d'aucuns voyaient déjà succéder à Mgr van Zuylen à Liège a dû déchanter. C'est finalement Albert Houssiau qui lui fut préféré et on chuchote encore aujourd'hui que la hiérarchie belge de l'époque ne souhaitait vraiment pas le retrouver dans ses rangs. Elle ne put cependant l'en empêcher en 1991 lorsque l'abbé Léonard fut retenu comme évêque de Namur.

Bien qu'il fût d'origine namuroise, issu d'une famille dont les quatre fils ont embrassé le sacerdoce, le nouvel évêque a dû affronter une fronde sérieuse dans son diocèse à la fois dans les rangs des doyens et des prêtres et dans la base chrétienne. Plus de trois lustres plus tard, la confiance n'a jamais pu être établie et régulièrement encore, l'on fait état de tensions dans certaines paroisses où le "peuple de Dieu" ne se reconnaît pas dans le pasteur que lui a destiné Mgr Léonard. Nul n'est donc prophète dans son pays ? L'on n'ira pas jusque-là car s'il a des détracteurs, Mgr Léonard peut aussi s'appuyer sur le soutien d'un grand nombre de catholiques classiques qui se retrouvent pleinement dans son discours pétri de certitudes.

Et ils ne sont pas peu fiers non plus de faire remarquer que si la plupart des séminaires belges connaissent une crise réelle, celui de Namur - ou plutôt ceux de la ville du confluent car il y en a deux : le séminaire Notre-Dame et le séminaire Redemptoris Mater ! - accueillent bon an, mal an plusieurs nouveaux candidats, surtout étrangers à la prêtrise. Peu importe qu'hier, il y avait principalement des futurs prêtres proches de la mouvance charismatique et qu'aujourd'hui, le Chemin néocatéchuménal est aussi bien présent, voilà des lieux de formation qui ont l'air bien dynamiques... A cela on ajoutera que contre vents et marées ultra-modernistes, l'évêque s'efforce aussi de ramener les brebis égarées traditionalistes et qu'il réunit dans ses lieux de culte nombre de chrétiens nostalgiques d'un certain piétisme, pratiquement mis à l'index après le concile Vatican II... En même temps, André-Mutien Léonard peut se targuer d'être un homme de dialogue, ouvert aux autres religions et aux cris de détresse de l'heure. L'an dernier, à contre-courant de ses collègues, il était prêt à accueillir des sans-papiers dans son palais épiscopal. Mais l'homme fait preuve de moins de mansuétude à l'égard des "camarades de parti". L'on se souvient de ses attaques contre l'abbé Ringlet ou contre certains de ses prêtres comme Louis Dubois. Certes, ce fut souvent fait avec humour mais c'était davantage l'expression d'une (mauvaise) humeur. C'est le revers de la médaille léonardienne : l'homme cultive des relations d'amour-haine avec les médias, avouant qu'ils sont utilitaires pour lui parce qu'ils lui permettent de faire passer certains messages. Même s'il s'en défend, Monseigneur aime être médiatisé. Surtout lorsqu'il peut rappeler la doctrine officielle de l'Eglise qu'il n'estime pas assez défendue par ses pairs. Une intention louable pour autant que l'on ne tombe pas dans le piège des simplifications caricaturales. Il y a loin du calice aux lèvres entre un pastiche de Brassens, une séquence à "Strip-Tease" et un tour d'horizon sur les grands enjeux éthiques de l'heure...

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