Si, si, on peut débattre en français

Ce sont des raisons juridiques et pas politiques qui poussent donc, à l'en croire, le ministre flamand des Affaires intérieures, Marino Keulen, à ne pas nommer trois bourgmestres francophones des communes à facilités... Voici une argumentation qui mérite à tout le moins d'être nuancée. A vrai dire, commente le constitutionnaliste Marc Uyttendaele (ULB),

P.P.

Ce sont des raisons juridiques et pas politiques qui poussent donc, à l'en croire, le ministre flamand des Affaires intérieures, Marino Keulen, à ne pas nommer trois bourgmestres francophones des communes à facilités... Voici une argumentation qui mérite à tout le moins d'être nuancée. A vrai dire, commente le constitutionnaliste Marc Uyttendaele (ULB), "il est difficile de sortir d'une logique qui n'est que politique, de part et d'autre. Chacun décale sur le terrain juridique sa propre musique politique". Reprenons chacun des griefs flamands principaux.

L'organisation des élections communales de 2006. On peut continuer à penser ce que l'on veut des circulaires Peeters, et plus encore de l'arrêt du Conseil d'Etat qui les a validées, en date du 23 décembre 2004 (pour rappel : son interminable attente, le dessaisissement tardif des chambres bilingues, l'avis de l'auditeur favorable aux thèses francophones...), mais elles existent et, formellement, imposent d'envoyer d'abord toutes les convocations électorales en néerlandais. Me Uyttendaele : "Depuis le premier jour, les circulaires me paraissent manifestement irrégulières. Mais elles s'appliquent et s'imposent au regard du droit applicable; les francophones devraient le dire."

De là à prétendre que le fait d'envoyer directement les convocations en français aux habitants francophones induit la non-nomination maïorale, c'est évidemment tout autre chose. Comme son confrère (de Saint-Louis) Hugues Dumont (nos précédentes éditions), Marc Uyttendaele pense aussi que la sanction est "disproportionnée"; à ce train-là, ajoute-t-il en substance, "il n'y aurait plus de bourgmestre en Belgique". Surtout, ajoutera-t-on, comment ne pas suspecter la tutelle d'une politique de "deux poids deux mesures", à se souvenir que lorsque des bourgmestres flamands de Hal-Vilvorde ont à nouveau boycotté l'organisation des élections du 10 juin (le gouverneur du Brabant flamand devant y suppléer), c'est à l'avance, courant mai, que le ministre Keulen a averti qu'il ne prendrait pas de mesures disciplinaires à leur encontre !

du 22 octobre. Provocation ou pas ? Restons-en au terrain où voudrait se cantonner la tutelle : juridique. Et bien, sur un point au moins, Marino Keulen a tort : il ne peut pas reprocher aux bourgmestres controversés de n'avoir rien fait pour empêcher l'utilisation du français au cours des débats.

C'était en réponse à une question préjudicielle du Conseil d'Etat, celui-ci saisi par la commune de Linkebeek d'un recours contre la décision de tutelle d'annuler plusieurs décisions prises en 1990 parce qu'elles avaient donné lieu à des échanges dans les deux langues. La Cour encore d'arbitrage, dans son arrêt du 10 mars 1998 (n° 26/98), stipula clairement que, facilités ou pas, la législation invoquée par les Flamands (l'article 23 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées en 1966) n'avait rien de discriminatoire lorsqu'elle interdit au bourgmestre ou à un échevin "d'introduire ou de commenter dans une autre langue que le néerlandais un point de l'ordre du jour de la séance du conseil communal ou de répondre dans une telle langue à des interventions de conseillers". En revanche, stipulait l'arrêt tout aussi clairement, l'obligation d'utiliser le néerlandais "ne s'applique pas aux autres membres du conseil communal".

© La Libre Belgique 2007

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