"Inédit : l'équipe avant le programme !"

La plus longue formation gouvernementale belge a perturbé les us et coutumes de la Rue de la Loi.L'euphorie du moment ne pourrait être que passagère. Pour Pascal Delwit, il importe que le monde politique tire toutes les conclusions des six mois de crise. Et ne répète pas certaines erreurs.Edito: Les choses sérieuses vont commencerL'édito du Standaard traduit

christian laporte
"Inédit : l'équipe avant le programme !"
©TANGUY JOCKMANS

Pour Pascal Delwit, il importe que le monde politique tire toutes les conclusions des six mois de crise. Et ne répète pas certaines erreurs.

Cette fois, ça y est... Peut-on dire qu'on est sorti de la crise ?

Formellement oui puisque cinq partis se sont déclarés partants pour une expérience de trois mois qui pourrait être prolongée. Sur le plan symbolique, c'est évidemment important d'avoir un gouvernement avant les fêtes de fin d'année. L'on va, enfin, pouvoir s'occuper du budget et de problématiques qui touchent directement les citoyens. Mais en même temps, on ne pourra pas perdre de vue que ce gouvernement est né dans la douleur et que sa formation a connu à plusieurs reprises nombre de relations interpersonnelles et partisanes qui tendaient à l'exécrable. Enfin, sans vouloir troubler l'euphorie du moment, il faut quand même signaler que c'est un gouvernement qui voit le jour sans accord et sans programme !

Encore une "première" belge ?

Mais oui, là où les gouvernements précédents se dotaient d'une bible programmatique avant de demander la confiance du Parlement, on ne dispose ici que de quelques vagues déclarations d'intention où chaque parti met en avant ce qui lui semble prioritaire...

Autre caractéristique inédite : c'est un gouvernement intérimaire...

Ce qui entraîne également moult questions : on dit qu'il est en place pour trois mois, mais quand et comment s'effectuera le passage du témoin entre Guy Verhofstadt et Yves Leterme ? Ne sera-t-on pas en pleine négociation communautaire ? Ne risque-t-on pas de voir surgir de nouveaux coups tordus et des couacs comme on en a connu tout au long de la crise de ces six derniers mois ? Sans oublier que le gouvernement Verhofstadt III se lance dans une fameuse course contre la montre. Si l'équipe en place entend absolument réaliser une nouvelle réforme de l'Etat, il faudra que celle-ci soit ficelée au plus tard en septembre ou en octobre prochains car sinon on sera en pleine campagne pour les régionales et on risque d'aller, une fois encore, dans le mur.

La sortie de la crise fut tout sauf aisée. Est-ce que cela ne présage pas non plus un avenir délicat pour Verhofstadt III ?

Mardi en début de soirée, il y avait tellement d'exclusives réciproques qu'on pensait que la situation était inextricable puis, dans un dernier sursaut tout le monde a visiblement mis de l'eau dans son vin.

Mais cela montre de fait le caractère fragile du nouvel exécutif fédéral...

Sa composition asymétrique ne risque-t-elle pas aussi de l'affaiblir ?

En examinant cette sortie de crise, on peut se demander si on n'a pas atteint les limites d'une série d'expérimentations politiques. Comme le découplage des élections fédérales et régionales en 2003-2004 qui ont amené des majorités différentes à divers niveaux avec les complications qui y étaient inhérentes. Voilà maintenant que l'on retrouvera les socialistes francophones au gouvernement alors que leurs homologues néerlandophones n'en seront pas. Cela ne facilitera pas, c'est le moins qu'on puisse dire le positionnement de la famille socialiste dans notre pays.

Somme toute, le CDH et le PS tirent finalement le mieux leur épingle du jeu puisqu'ils se retrouvent désormais à tous les niveaux de pouvoir. Comme un... cartel qui ne dit pas son nom ?

Si le choix de Josly Piette avec son passé syndical qui se situe plutôt à la gauche du CDH se confirme, il y aura une certaine convergence de gauche au sein de Verhofstadt III. L'ambition du MR de décrocher le CDH du PS comme alternative pour les futures majorités régionales n'a pas été rencontrée et ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour Didier Reynders.

Quelles grandes leçons retirez-vous de ces six mois de crise politique ?

Un des éléments majeurs dont il faudra absolument tenir compte dans le futur et notamment lors des négociations communautaires est la situation très différente des partis mais aussi des opinions publiques au nord comme au sud du pays. Il faut que les francophones se rendent compte que leurs compatriotes du nord ont pour le moins une vision de leur destinée très différente de la leur. Continuer à le nier rendra encore plus complexe sinon impossible la formation de gouvernements fédéraux dans le futur.

Et pour ce qui est des partis ?

Il y a la très grande faiblesse du leadership du CD & V : Yves Leterme à deux reprises mais aussi Jean-Luc Dehaene et Herman Van Rompuy auraient pu conclure des accords qui tiraient vers le haut, mais ils n'ont pas pu le faire.

Difficile de croire que c'est le même parti qui a donné pratiquement tous les premiers ministres depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale... Yves Leterme dans sa complexité personnelle a montré ses limites et que penser alors de Jo Vandeurzen ?

Mais le problème ne venait-il pas du cartel conclu avec les séparatistes de la N-VA ?

D'un point de vue politique, l'on connaissait les enjeux et les dangers d'un tel cartel, mais il fut quand même très surprenant d'en arriver à la drôle d'impression ces dernières semaines que c'était la N-VA qui était à la manoeuvre !


"La dernière cartouche du Roi" Pour Pascal Delwit, Albert II a sans doute surtout subi la crise mais il est vrai que sa tâche fut loin d'être facile... "Il faut dire que le Roi a suivi la cohérence que l'on pouvait attendre de lui dans ses différentes démarches. Ainsi, il était logique de confier une mission d'information à un représentant du parti francophone victorieux (Didier Reynders) puis de nommer un formateur issu des rangs du principal parti flamand (Yves Leterme). Puis, cela s'est singulièrement compliqué. Qui aurait pu prévoir un pareil imbroglio ? Dans ce contexte, le Roi a fait monter Jean-Luc Dehaene en ligne. A-t-il fait appel trop tôt à l'ancien Premier ministre ? Il ne nous incombe pas encore d'écrire l'Histoire..." Quant au choix final de Guy Verhofstadt (Open VLD) pour démêler finalement l'inextricable écheveau et mettre sur pied un gouvernement intérimaire, le politologue de l'Université libre de Bruxelles estime que le Roi n'avait plus beaucoup de choix après le retrait d'Yves Leterme. "C'était de toute évidence une de ses dernières cartouches. Avec toujours le risque de rester bredouille face aux crispations des uns et des autres... Il a donc fallu jouer serré en tenant compte des agendas des uns et des autres..."

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