Les espions belges jouèrent un rôle décisif en 40-45
I l y a quelques mois, il fut un des auteurs de la synthèse sur la Shoah belge commandée au Ceges. Voici qu'Emmanuel Debruyne a présenté une version raccourcie mais pas moins passionnante de sa thèse de doc' dirigée à l'UCL par Laurence van Ypersele sur les réseaux de renseignement belges et leurs agents pendant la Seconde Guerre.
Publié le 15-05-2008 à 00h00
I l y a quelques mois, il fut un des auteurs de la synthèse sur la Shoah belge commandée au Ceges. Voici qu'Emmanuel Debruyne a présenté une version raccourcie mais pas moins passionnante de sa thèse de doc' dirigée à l'UCL par Laurence van Ypersele sur les réseaux de renseignement belges et leurs agents pendant la Seconde Guerre. L'implication des 21 000 agents recensés se comprend d'abord à l'aune de l'engagement similaire de 14-18 : à la Grande Guerre, nos espions avaient déjà joué un rôle qui resta exemplaire. Comme l'a expliqué l'auteur lors de la présentation de son travail, "ce n'est pas une fresque patriotique ni une suite d'anecdotes rocambolesques et pittoresques" , mais une analyse fouillée du rôle de "nos" espions. L'occasion d'en dresser une typologie : "La plupart des agents s'engagent par patriotisme et par haine de l'occupant, parfois par antifascisme." Pas de "têtes brûlées" en quête de sensations fortes donc !
Au péril de la vie
José Gotovitch a parlé de "franc-maçonnerie des élites". Il n'a sans doute pas tort puisque l'on n'entrait souvent dans les réseaux que par cooptation ou par communion de valeurs communes, mais il ne faut pas parler pour autant d' "aristocratie de la Résistance".
Deux autres constats frappants : "Le déséquilibre entre les deux communautés linguistiques est massif, tant et si bien qu'un francophone a concrètement six fois plus de chance de faire du renseignement qu'un néerlandophone." Quant aux femmes, souligne Debruyne, elles ne représentèrent qu'un sixième des effectifs. Et d'ajouter que beaucoup d'hommes "les envisagent comme des auxiliaires utiles pour un certain nombre de tâches propres à leur nature, tandis que d'autres les considèrent comme inaptes voire dangereuses". Sur le terrain, les Dédée De Jongh, Andrée Dumont et autre Mouchka Stassart firent démentir ces jugements machistes...
Debruyne jette aussi des regards éclairants sur les rapports entre la Sûreté de l'Etat installée à Londres et nombre de collègues étrangers : l'action et le renseignement furent loin d'être des fleuves tranquilles. Il remet aussi en scène les grands acteurs de l'époque : de William Ugeux à Fernand Lepage, en passant par tous les chefs de réseaux.
Reste à rappeler quelques chiffres confirmant qu'il y eut souvent péril en la demeure pour des agents qui n'avaient rien de James Bond : un sur quatre fut incarcéré, 1 570 d'entre eux perdirent la vie, tantôt exécutés, tantôt succombant dans les camps de concentration.
Emmanuel Debruyne, "La Guerre secrète des espions belges, 1940-1944", Editions Racine, 398 pp., 29,95 €.