Les millions perdus du "Probo Koala"

L’affaire du "Probo Koala", un navire affrété par la société suisse Trafigura (son bureau opérationnel étant à Londres et son pied financier à Amsterdam), avait fait scandale à l’été de 2006, entre la Côte d’Ivoire et l’Europe.

Roland Planchar
Les millions perdus du "Probo Koala"
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L’affaire du "Probo Koala", un navire affrété par la société suisse Trafigura (son bureau opérationnel étant à Londres et son pied financier à Amsterdam), avait fait scandale à l’été de 2006, entre la Côte d’Ivoire et l’Europe.

Or un épilogue inattendu de ce noir dossier (les résidus chimiques du tanker, confiés à une petite société locale, avaient causé 17 décès et des milliers d’intoxications chez les Abidjanais en août de cette année-là) pourrait se jouer en Belgique, a-t-on constaté jeudi au tribunal de commerce de Bruxelles. Voici comment.

Samedi 16septembre 2006, Abidjan. Deux dirigeants français de Trafigura venus négocier les suites du drame, Claude Dauphin et Jean-Pierre Valentini, sont hélés par les policiers de l’aéroport Houphouët-Boigny. Le mardi, ils sont inculpés pour infraction à la législation sur les déchets et pour empoisonnement. Leur détention provisoire va se prolonger douloureusement

Trafigura, qui n’a rien d’un nain (3e opérateur mondial du courtage pétrolier; affréteur majeur dans les matières premières; 1 500 employés dans 36 pays pour un chiffre d’affaires de plus de 50milliards de dollars), accepte alors l’offre d’une société de droit belge, Skytech SA, dira plus tard celle-ci. Thierry Lakhanisky, l’administrateur délégué de ce spécialiste de l’exploitation des hélicoptères, a en effet eu l’occasion, aux dires mêmes de son avocat belge Emmanuel De Wagter, dans la citation qu’il a lancée en 2008 contre le pied néerlandais de Trafigura, de nouer d’importantes relations en Côté d’Ivoire, jusqu’au faîte de l’appareil de l’Etat, jusqu’au proche entourage du président Laurent Gbagbo.

Il est donc question pour Skytech d’organiser la libération de MM. Dauphin et Valentini, grâce à l’entregent de M.Lakhanisky, grâce à l’engagement par lui et pendant plusieurs mois de négociateurs ivoiriens et de diverses manœuvres, peut-être, dont on ignore le détail.

100milliards

Toujours est-il que, grâce à ces efforts selon le dernier cité, mais certainement aussi grâce à la promesse faite par Trafigura de payer à l’Etat ivoirien 100milliards de francs CFA (environ 150millions d’euros), l’abandon des poursuites judiciaires est acquis et les Français sont libérés le 14février 2007. Et si, quant au fond, l’affaire attendra le 22octobre 2008 pour être jugée par la cour d’assises d’Abidjan (aucun membre de Transfigura n’a été condamné, seuls des sous-fifres locaux l’ont été), la facture de Skytech pour les services rendus, elle, attend toujours d’être payée.

On en était là jeudi au tribunal de commerce de Bruxelles, où Me De Wagter demandait le paiement du solde dû. En effet, un accord avait été conclu, à l’entame des négociations, pour un montant de 4millions d’euros à payer à Skytech pour les services rendus. Or Skytech prétend, documents à l’appui, qu’un paiement partiel a été effectué, à raison de 250000€; que la facture résiduelle, soit 3750000€, n’a jamais été contestée et que, de surcroît, un important cabinet londonien d’avocats a confirmé, en fournissant sa garantie, l’engagement de Trafigura pour 4millions. Cabinet d’ailleurs également cité à comparaître

Jeudi, le tribunal de commerce de Bruxelles s’est montré attentif aux arguments de Me De Wagter qui demandait paiement immédiat. Qu’en dira Trafigura, de son côté? On le saura plus tard: la cour a décidé, sans doute à cause d’un éventuel problème de compétence dû à l’engagement formel qui semble avoir été pris par le cabinet londonien, de renvoyer l’affaire au tribunal de première instance de Bruxelles. Le dossier pourrait y être examiné sous peu .

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