Schillebeeckx, théologien au (trop) grand franc-parler

Le théologien dominicain flamand Edward Schillebeeckx, qui est décédé à quelques heures de Noël à Nimègue (Pays-Bas) à l’âge de 95 ans, joua un rôle majeur dans le renouveau de l’Eglise catholique et dans son rapprochement avec la société.

Christian Laporte

Le théologien dominicain flamand Edward Schillebeeckx, qui est décédé à quelques heures de Noël à Nimègue (Pays-Bas) à l’âge de 95 ans, joua un rôle majeur dans le renouveau de l’Eglise catholique et dans son rapprochement avec la société.

Né en 1914 à Anvers comme 6e enfant d’une famille de 12, il était entré chez les dominicains plutôt que les jésuites chez lesquels il avait pourtant reçu une formation d’humanités classiques. Mais cette dernière semblait bien trop stricte à ses yeux et c’est pourquoi il rejoignit l’Ordre des prêcheurs plutôt que la Compagnie de Jésus, contrairement à l’un de ses frères aînés. Formé à Louvain, Edward Schillebeeckx fut ordonné prêtre en 1941. De 1945 à 1947, après avoir été initié au thomisme, il avait poursuivi ses études à Paris, à l’Ecole pratique des hautes études ainsi qu’au Saulchoir, aux côtés de Marie-Dominique Chenu et Yves Congar qui allaient aussi marquer la théologie dans la seconde moitié du siècle. Nommé professeur de théologie dogmatique en 1958, il fit montre d’un esprit très ouvert. Dans son discours inaugural, “A la recherche d’un Dieu vivant”, il se prononça en faveur d’une théologie qui partait du dogme mais où l’expérience humaine avait aussi sa place.

Le grand tournant de sa vie se situa à Vatican II. Associé de très près à la préparation de l’événement, ce Flamand d’origine devint le principal conseiller de la Conférence épiscopale catholique des Pays-Bas, considéré bientôt comme “la voix théologique du catholicisme néerlandais”. Nommé ensuite expert au concile, ce spécialiste de la Révélation fut l’un des principaux rédacteurs de la Constitution “Dei Verbum” aux côtés de Karl Rahner et d’un certain Josef Ratzinger.

Convaincu que la théologie devait être “médiatisée” au sens propre du terme, il avait lancé une revue visant à relier les grandes interrogations philosophico-religieuses aux problématiques de l’heure. Dans le même état d’esprit, il fut à la base au lendemain du concile avec Rahner et Congar, mais aussi Hans Küng, de la revue internationale “Concilium”.

Si ses travaux sur les relations entre la foi et la culture firent froncer certains sourcils romains, il se fit crosser pour ses plaidoyers visant à conférer plus de place aux laïcs et aux femmes dans l’Eglise. En 1986, une lettre du cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le rappela à l’ordre et on en vint à émettre des doutes sur ses écrits. Mais Schillebeeckx, grand animateur de Vatican II ne fut jamais condamné, même s’il poussa la provocation jusqu’à traiter Jean-Paul II d’“autocrate issu d’un pays qui n’avait connu ni les Lumières ni la Révolution française”… Cela ne l’empêcha pas de titrer un de ses ouvrages : “Je suis un théologien heureux”.

Il est vrai qu’à ses yeux, la vérité était vraiment plurielle. Un chapelet d’audaces qui lui coûtèrent sans nul doute l’une ou l’autre distinction romaine de haut vol.

© La Libre Belgique 2009

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