La Flandre a vécu aux crochets de la Wallonie
Ils nourrissent régulièrement le débat communautaire. Ils le pourrissent aussi. Ce sont les "transferts Nord-Sud". L’économiste Michel Quévit sort un petit bouquin stimulant et glaçant. Stimulant tant il renverse les clichés de manière on ne peut plus confondante, accessible et concise (au prix de devoir laisser Bruxelles dans l’ombre).
- Publié le 01-04-2010 à 06h46
- Mis à jour le 01-04-2010 à 08h10
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Ils nourrissent régulièrement le débat communautaire. Ils le pourrissent aussi. Ce sont les "transferts Nord-Sud". L’économiste Michel Quévit sort un petit bouquin stimulant et glaçant. Stimulant tant il renverse les clichés de manière on ne peut plus confondante, accessible et concise (au prix de devoir laisser Bruxelles dans l’ombre). Glaçant aussi, tant on voit à l’œuvre une mécanique injuste de stigmatisation qui non seulement mine la Belgique mais monte aussi en puissance dans des pays voisins, "pourtant à rebours des principes éthiques qui charpentent la politique de cohésion européenne".
Idée centrale : l’approche comparative (et querellée sans fin) qui se borne à mesurer les flux en contributions fiscales et sociales est limitée, surtout à la concentrer sur l’après-déclin du charbon et de l’acier en Wallonie. L’impact des décisions de l’Etat sur son développement économique apporte un tout autre éclairage. On voit, dossier après dossier, que la Flandre a pu maximiser les aides étatiques en faveur du déploiement de l’activité sur son territoire, y compris à l’époque plus récente où la Wallonie en aurait eu bien plus besoin.
Des exemples remontent à loin. Ainsi, la crise agricole de 1880. L’Etat va notamment fort soutenir la création d’associations agricoles ; c’est à partir de là que s’est construite la puissance financière du Boerenbond, puis de la Kredietbank.
D’autres exemples sont plus frais dans les mémoires, mais tronqués. Ainsi du développement du port de Zeebrugge dans les années 1970. On sait assez que chaque milliard investi à ce titre en Flandre devait en générer un autre en Wallonie. On sait beaucoup moins les limites de ce marchandage : les "crédits parallèles" furent limités d’emblée à 16 milliards de FB alors que l’addition du nouveau port monta à 115 milliards !
Autres illustrations ? De 1959 à 1979, les aides en expansion économique ont bénéficié pour 58 % à la Flandre contre 39 % à la Wallonie. Ce pouvait être équitable démographiquement (en oubliant Bruxelles ). Ce ne le fut pas par rapport aux difficultés régionales respectives et à la nature des investissements : versés dans la restructuration sociale en Wallonie, dans la création d’emplois en Flandre. Constat du même ordre, plus déséquilibré encore, sur les secteurs économiques nationaux.
Mais le plus surprenant touche aux fonds structurels européens, puisqu’on en attend précisément un rééquilibrage de développement entre régions. Or, l’Objectif 1 hennuyer mis à part, traité directement (heureusement !) avec la Commission, leur répartition interne est de la responsabilité de chaque Etat. Résultat : hors Hainaut, la part de la Flandre a été supérieure.
Dira-t-on que c’est du passé ? Non, car l’histoire continue, qui interpelle sur les mécanismes de solidarité en Belgique comme en Europe. Et qui reste fondée sur des clichés que l’auteur démonte en finale, au fil de douze constats : l’écart de développement entre la Flandre et la Wallonie est loin d’être aussi important qu’on veut le faire croire "C’est le bouquin que j’attendais", a écrit à M. Quévit un politique wallon de premier plan. A quand sa traduction néerlandaise ?
"Flandre-Wallonie, quelle solidarité ?/De la création de l’Etat belge à l’Europe des Régions". 178 p., 19 €, éditions Couleur livres.