Face caméra, une armée flamande

Inhabituel et interpellant, le coup de gueule lancé au JT de la RTBF, samedi soir, par le colonel Luc Gennart, commandant de la base aérienne de Florennes ! Inhabituel dans la bouche d’un responsable d’une institution généralement connue pour être "une grande muette". Interpellant dans le contexte communautaire pour le moins incertain que l’on connaît; les réactions aux critiques de l’officier n’ont d’ailleurs pas manqué, en ordre significativement dispersé.

P.P.

Inhabituel et interpellant, le coup de gueule lancé au JT de la RTBF, samedi soir, par le colonel Luc Gennart, commandant de la base aérienne de Florennes ! Inhabituel dans la bouche d’un responsable d’une institution généralement connue pour être "une grande muette". Interpellant dans le contexte communautaire pour le moins incertain que l’on connaît; les réactions aux critiques de l’officier n’ont d’ailleurs pas manqué, en ordre significativement dispersé.

Quelles critiques ? En un mot, c’est "la flamandisation" de l’armée que le Florennois veut dénoncer : "Dans tout ce qui est décision importante pour l’avenir de la Défense, les francophones n’ont pas leur mot à dire. Ils sont mis à l’écart, envoyés dans des écoles ou à l’étranger. Les Flamands décident de tout."

Le colonel admet (forcément) une exception : le n°1 de l’armée, Charles-Henri Delcour est francophone. Pour le reste, il nourrit son diagnostic de divers indices ou craintes. La crainte de voir fermer Florennes et les avions qui y sont basés - une trentaine de chasseurs-bombardiers F16 - gagner le ciel flamand. Et parmi d’autres indices, ces trois-ci : cinq néerlandophones gèrent la Force aérienne alors que l’état-major de la composante était jusqu’il y a peu composé de deux Wallons et deux Flamands; le bastion artillerie de Bastogne vient d’être transféré en Flandre; la plus grosse caserne de Wallonie, celle de Marche-en-Famenne, accueille désormais un état-major 100 % flamand.

Voguant actuellement à bord de la frégate "Louise", le ministre de la Défense nationale, Pieter De Crem (CD&V), n’a pas réagi personnellement. Un porte-parole, le lieutenant Kurt Verwilligen, s’en est chargé. Pour démentir d’abord tout projet de fermeture de Florennes et/ou transfert des F16 : le "plan De Crem" ne le prévoit pas et ce n’est pas en affaires courantes que l’on pourrait y déroger. Même démenti chez le général Delcour, par la voix du commandant Olivier Séverin à l’agence Belga. Au moins un politique a déjà répliqué qu’il n’en était pas convaincu : le député Denis Ducarme (MR), qui ne manquera pas d’interroger le ministre sur l’avenir de la base de l’Entre-Sambre-et-Meuse.

Quant à la prépondérance des officiers néerlandophones au sommet de l’armée, on ne la conteste pas. Mais d’abord, "elle n’est pas totale", explique-t-on chez le général Delcour. Ensuite, la cause serait à chercher, objectivement, dans la moindre réussite des officiers francophones aux examens linguistiques. "Il y a un manque de candidats francophones répondant aux exigences linguistiques", renchérit le cabinet De Crem. On se souvient d’ailleurs que, naguère, le précédent n°1 de l’armée, August Van Daele, en avait appelé les francophones à davantage passer les examens ouvrant à promotions s’ils voulaient en bénéficier Dimanche, on pouvait épingler des divergences dans les syndicats militaires. Alors que, côté flamand, on insiste sur l’absence de cadres linguistiques, ce qui implique le même passage devant les mêmes examens, on conteste, côté francophone, le motif d’incompétences linguistiques : "Dès lors que des candidats francophones se présentent devant un comité d’avancement, c’est qu’ils ont déjà prouvé leur capacité de parler le néerlandais", réfute Patrick Descy, de la CGSP-Défense, preneur d’"une réaction très forte" des militaires et des politiques En tout cas, on compte actuellement 23 néerlandophones aux 33 fonctions de généraux et amiraux. Soit une proportion (provisoire ?) de 70/30, qui a succédé à un rapport plus habituel de 60/40.

Enfin, Luc Gennart, chef de corps à Florennes depuis septembre 2008, aurait-il pris quelque risque à sortir de sa réserve ? Le général Delcour dit regretter qu’il se soit "exprimé sur des questions communautaires à un moment inopportun"; et, qui plus est, "sans disposer de tous les éléments" de "questions délicates" . Voilà qui pourrait résonner comme un rappel à l’ordre. "Je prends des risques, mais cela vaut la peine", avait prévenu d’emblée le colonel. Il a d’ailleurs demandé un départ anticipé à la retraite sous la forme d’une suspension volontaire de prestation "puisque l’on ne veut plus de moi".

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