Comment se déroule un hommage maçonnique?

C'est un ultime hommage maçonnique qui se tiendra ce lundi matin. Il évoquera le politique, mais aussi le mélomane.

Christian Laporte
Comment se déroule un hommage maçonnique?
©Belga

Michel Daerden passera définitivement à l’Orient éternel – selon le vocabulaire maçonnique pour un défunt issu de ses rangs… – tel qu’il a vécu : par une dernière mise en exergue de ses multiples facettes. C’est ainsi que, ce lundi matin à Robermont, divers orateurs rappelleront ses engagements successifs mais les prises de paroles seront entrecoupées de choix de musiques qu’appréciait le ministre. La première prise de parole sera assurée par l’économiste Robert Tollet, président du Conseil central de l’économie (CCE) et dirigeant de la Société fédérale de participations et d’investissements (SPI). Suivra ensuite celle de Robert Sprokkel, ancien conseiller de Michel Daerden lorsque celui-ci était ministre wallon en charge du patrimoine et ancien conservateur du palais de Justice de Liège mais surtout, ici, franc-maçon, membre lui aussi de la loge “Robespierre” de Visé (Grand Orient de Belgique) que visitait Daerden depuis plusieurs décennies. L’on entendra ensuite Elio Di Rupo. Enfin, les trois enfants et les deux petites- filles du défunt rendront aussi hommage à leur père et grand-père.

Certains médias ont parlé de funérailles maçonniques, s’emmêlant quelque peu les outils. En fait, les funérailles d’un maçon se déroulent dans un espace de recueillement pluraliste comme celui de Robermont mais pourraient avoir lieu dans une église si tel était (aussi) son engagement. Certes, l’équerre et le compas remplacent la croix ou toute autre référence religieuse ou philosophique dans la salle de l’adieu au crématorium mais c’est surtout par le cercueil qu’apparaît l’appartenance à la grande famille maçonnique : soit il est recouvert d’un drap sur lequel on pose divers symboles de son appartenance, soit – surtout… – le tablier du défunt qui est à la fois un “décor”, un symbole et un outil. Mais l’élément prépondérant est l’intervention d’un frère de l’Atelier qui dévoile l’appartenance du défunt par une allocution qui exprime les sentiments de tous.

Il n’y a donc pas de funérailles maçonniques en tant que telles, l’hommage de la Loge s’inscrivant parmi d’autres mais autre chose est l’organisation, plus tard, dans l’Atelier d’une “Tenue funèbre” en l’absence du corps. Comme le rappela le Pr Luc Nefontaine (ULB) à l’association “Reliures”, “la franc-maçonnerie est une société de mémoire. Dans la Loge, il est fait régulièrement mémoire des frères ou des sœurs décédés. Il y a un devoir de faire mémoire. ‘Nos cœurs ne doivent pas être le tombeau de nos frères’ dit joliment le maçon Roland Gillard. D’une certaine manière, les maçons survivent au travers de leurs frères. L’Orient éternel n’est qu’une métaphore pour exprimer un au-delà de l’existence individuelle. La formule n’induit aucune croyance, ni aucune négation d’une quelconque croyance : des maçons croient au ciel, d’autres n’y croient pas. Ce n’est pas cela qui est en cause dans la mort maçonnique. Ce dont il est question, c’est d’une chaîne d’union qui est brisée”. “Or” poursuit Nefontaine “à la fin de leurs travaux, pour exprimer leur solidarité et leur fraternité, les maçons forment une chaîne d’union en se donnant la main. Si un des leurs meurt, cette belle fraternité est en deuil, comme n’importe quelle famille. Le rituel est beau qui veut qu’au décès d’un frère la chaîne d’union se fasse de manière ouverte, sans se donner la main. Mieux : le plus jeune apprenti prend la place du frère disparu. Ainsi, la vie continue, les maçons se remettent à l’ouvrage avec dans leur cœur le souvenir de ceux qui se trouvent à l’Orient éternel, en pleine lumière”.

Cela se passe lors d’une “tenue funèbre” qui rend hommage à un défunt, voire aux morts de l’année. A une batterie de deuil (” Gémissons !”) succède une batterie d’allégresse (“Espérons !”). Car “la maçonnerie cultive le bon vivre, qui est en définitive l’apprentissage du bien mourir”. Et de conclure que “la franc-maçonnerie propose une propédeutique de la mort. Ainsi le maçon devrait-il, mieux que d’autres peut-être, être préparé à la mort. La sienne s’entend”...

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