L’évasion artistique contre la brutalité de la politique

Charles Michel, c’est l’art qui le sauve et lui permet de se retirer quelques instants loin des turpitudes claniques de la vie de son parti.

Frédéric Chardon
L’évasion artistique contre la brutalité de la politique
©JC Guillaume

En politique, les coups volent facilement. Attaques publiques, polémiques, petites phrases assassines, trahisons C’est dur. Chacun se protège comme il peut. Dans le cas du président du MR, Charles Michel, c’est l’art qui le sauve et lui permet de se retirer quelques instants loin des turpitudes claniques de la vie de son parti.

Son objet fétiche, exposé dans son bureau de bourgmestre : un tableau, acheté à une commerçante de son fief mayoral, Wavre. "C’est un objet coup de cœur que j’ai découvert dans une exposition à Wavre, confie-t-il. Lors de cet événement, les particuliers avaient ouvert leurs maisons pour en faire un espace d’exposition. L’artiste en question est une commerçante de la ville. En raison de ce coup de cœur, j’ai acquis la toile. J’aime évidemment le bleu, ça ne vous étonnera pas, mais surtout le dégradé de cette couleur. L’artiste a gratté la peinture pour dessiner les arbres. J’aime cette multitude d’arbres qui semblent jaillir de la peinture."

La dureté politique ? En effet "Moi qui évolue dans un monde brutal, la politique, je suis sensible à la beauté des paysages. Ça me détend. Et c’est ce qui est passionnant dans l’art, c’est de pouvoir restituer des émotions sans devoir rationaliser. La politique n’est pas le seul univers professionnel à être dur, évidemment, mais en plus de l’engagement politique, il y a la forte médiatisation qui s’ajoute à la violence, aux bras de fer. Dans ce contexte, on a tous besoin d’avoir des moments de recueillement. Or la Belgique est un pays de crise quasi-permanente Pour résister à cela, il y a la famille, les amis, bien sûr, mais l’art permet de s’évader. Une œuvre d’art, ça place la personne qui la contemple en dehors du temps qui passe. Le poète Lamartine a bien décrit ce sentiment : O temps ! Suspends ton vol."

Chez Charles Michel, l’amour de la peinture n’est pas neuf. "J’ai été très marqué il y a quelques années par ma rencontre avec un autre artiste, beaucoup plus connu : Alechinsky. Je l’ai découvert grâce à Richard Miller qui est un amateur et un connaisseur du mouvement Cobra. J’ai même eu l’occasion de rencontrer Alechinsky en 2007 lors de la grande exposition organisée à Bruxelles. J’ai 6 ou 7 affiches de ses tableaux, mais pas de vraies "

Mais, finalement, le président du MR n’est-il pas un esthète égaré en politique ? En effet, pour lui, la peinture n’est pas seule à lui permettre de s’évader. Non, ce serait oublier un peu vite l’importance de la poésie. Même dans les moments les plus tendus d’une négociation institutionnelle ou budgétaire "A côté de la peinture et des arts plastiques, j’ai de plus en plus de plaisir à lire de la poésie et particulièrement Lamartine, ce qui n’est pas très original. Aujourd’hui, il y a prescription, je peux vous faire une confession : quand j’étais ministre à la Région wallonne, les discours au Parlement wallon pouvaient se révéler ennuyeux J’ai donc acquis à cette époque une manie de toujours glisser un recueil de poésie dans ma mallette. Quand les discours devenaient plus ennuyeux, je glissais discrètement dans ma farde un bouquin de poésie et j’en lisais quelques passages. Lamartine, donc, mais aussi René Char. C’est quelque chose que j’ai gardé : quand je sais que je vais avoir une réunion difficile, je prends un livre de poésie comme échappatoire mentale."

Tiens, le Mouvement réformateur a connu quelques troubles internes ces derniers temps et il paraît que la révolte gronde toujours çà et là Dans ce contexte, le président du MR recourt-il plus qu’avant à ses "échappatoires mentales" ? "Vous savez, présider un parti comme le MR, c’est aussi une forme d’art On est tout le temps dans les relations personnelles. Je travaille pour que le MR porte un projet et des idées, porte le débat intellectuel, mais cela n’est pas possible sans les élus, les militants, c’est-à-dire les gens réels. Il faut pour gérer tout cela un peu d’esprit artistique Mais je vous rassure : je ne déclame pas du Lamartine au bureau de parti le lundi matin !"

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