Formations anti-pédophilie : "Pas d’effet dissuasif fort"
Dans le cadre de la lutte contre les abus sexuels au sein de l’Eglise, des formations psychologiques devraient être mises en place notamment pour les prêtres. Une prévention plutôt qu’une accusation, selon la Commission en charge du projet. Analyse.
Publié le 27-08-2012 à 17h48 - Mis à jour le 27-08-2012 à 18h03
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En juillet dernier, la Commission interdiocésaine pour la protection des enfants et des jeunes, créée en juin 2012, a proposé de mettre en place des formations, offertes par des psychiatres, à l’égard des prêtres belges mais aussi des milieux de l’éducation et des mouvements de jeunesse.
"Nous avons pris cette mesure afin de prévenir des abus que l’on a connus dans le passé, explique Manu Keirse, président de cette commission. Le soucis doit être de procurer aux enfants et aux jeunes un cadre de vie et d’activité sûr."
Dans un contexte de recrudescence des plaintes contre les abus sexuels dans l’Eglise, ce projet de formations semblait indispensable pour la Commission. "Il s’appliquera à tous les prêtres en fonction à l’heure actuelle mais également aux futurs prêtres car le but est de sensibiliser et professionnaliser tous les collaborateurs, qu’ils soient bénévoles ou permanents", précise Manu Keirse.
Si Tommy Scholtes, responsable de presse et de communication de la Conférence épiscopale de Belgique, soutient que tout reste à faire et que ce projet ne vise pas uniquement l’Eglise, il affirme cependant que les actions de la Commission participent bel et bien à la lutte contre les abus sexuels dans les relations pastorales.
Une proposition insuffisante
Bien que certains psychiatres belges ne s’entendent pas encore sur la finalité et l’utilité de ces cours, pour Jean-Yves Hayez, psychiatre infanto-juvénile, ces formations pourraient s’avérer efficaces. "Il y a en effet un édifice à reconstruire pour assurer une meilleure protection des enfants contre les agressions sexuelles et pour assurer une meilleure santé sexuelle chez certains prêtres." Mais, selon lui, ces formations ne seront utiles qu’à une minorité de prêtres. "Parmi les pédophiles, il y a plusieurs personnalités. Il y a certes les personnes mal dans leur peau mais aussi des pervers et des autoritaristes qui ont un besoin fort de domination. En ce qui concerne ces deux dernières catégories, les cours ne serviront à rien car ils ne se sentiront pas plus aptes à avouer." D’autre part, "une partie des prêtres prennent conscience tardivement qu’ils ont des tendances pédophiles. Et de bonne foi, ils croiront que les cours ne les concernent pas".
Jean-Yves Hayez estime également que ces formations sont insuffisantes : "il ne faut pas imaginer qu’une information, même d’une excellente qualité, puisse avoir un effet dissuasif fort à elle toute seule". "Il faut mettre en place, que ce soit pour des prêtres ou des laïques d’ailleurs, des structures d’accueil qui les reçoivent en toute confidentialité et les accompagnent."
Sensibiliser mais pas accuser
Quant à savoir si cette proposition ne risquerait pas de heurter la sensibilité de certains prêtres, Manu Keirse assure qu’il ne s’agit en aucun cas de les accuser mais de les sensibiliser sur un problème bien réel.
"Si des adultes, censés un jour prendre à bras le corps la misère du monde, sont offusqués parce qu’on leur dit que la pédophilie existe et qu’elle peut être dans le cœur de certains êtres humains, y compris des prêtres, c’est qu’ils ne comprennent pas grand chose au cœur et au fonctionnement de l’homme", ajoute Jean-Yves Hayez.
Bien que ces formations ne soient encore qu’à l’état de projet, la Commission interdiocésaine semble bien décidée à mettre en place des mesures pour lutter contre les abus sexuels sévissant dans l’Eglise. Elle se réunira le 20 septembre prochain pour évoquer le déroulement pratique et le contenu de ces formations.