La fronde contre le gouvernement ne faiblit pas

Comme annoncé ("LLB" du 13 septembre), plusieurs associations actives dans le monde de la justice (l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, les barreaux de Bruxelles et de Liège, l’Association syndicale des magistrats, la Ligue des droits de l’homme, l’Observatoire international des prisons notamment) ont joint leurs voix pour dénoncer l’avant-projet de loi modifiant les règles de libération conditionnelle.

J.-C.M.

Comme annoncé ("LLB" du 13 septembre), plusieurs associations actives dans le monde de la justice (l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, les barreaux de Bruxelles et de Liège, l’Association syndicale des magistrats, la Ligue des droits de l’homme, l’Observatoire international des prisons notamment) ont joint leurs voix pour dénoncer l’avant-projet de loi modifiant les règles de libération conditionnelle.

Elles l’ont fait, jeudi, à la veille de l’examen de ce texte par le conseil des ministres. Leurs représentants ont souligné qu’ils agissaient "en front commun très peu commun, tant il est inhabituel que nous parlions tous d’une même voix".

"Notre système de libérations conditionnelles date de 1888 et de la loi Lejeune. Celle-ci n’a été modifiée pour la première fois, et après mûre réflexion, qu’en 2006" , a rappelé le nouveau bâtonnier de Bruxelles, Michel Vlies.

"Aujourd’hui, sous le coup de l’émotion engendrée par l’annonce de la libération conditionnelle de Michelle Martin, on veut changer un système qui, globalement, fonctionne bien" , ont déclaré en substance plusieurs intervenants, qui en appellent à une réflexion incluant tous les acteurs de la Justice avant toute décision.

"On assiste à une surenchère dans le sécuritaire entre les ministres de la Justice (NdlR : Annemie Turtelboom, Open VLD ) et de l’Intérieur (Joëlle Milquet, CDH) et un appel de tous les ministres à hausser la sécurité. C’est peut-être pour masquer les lacunes sociales du gouvernement", a scandé le président de la Ligue des droits de l’homme, Me Alexis Deswaef. "Nous dénonçons cette tendance à légiférer pour communiquer et pas pour améliorer la société", a-t-il poursuivi. M. Deswaef a fustigé "le populisme pénal du gouvernement alors qu’il devrait faire œuvre de pédagogie" .

Le président de la LDH s’est également inquiété de "la remise en cause de l’équilibre des pouvoirs". "L’exécutif rognait déjà sur les compétences du Parlement. A présent, il se mêle aussi de justice" , a-t-il relevé, pointant du doigt la multiplication des amendes administratives.

"Quand on va à fond de peine, il n’y a pas de réinsertion possible : le détenu sort à la rue et c’est tout" , a souligné, de son côté Me Réginald de Béco, président de la commission Prisons à la LDH. "Il sort la rage au ventre" , a enchaîné Me Delphine Paci, présidente de la section belge de l’Observatoire international des prisons. Laquelle a relevé qu’on libère déjà très peu sous conditions en Belgique. En 2010, 688 détenus ont bénéficié d’une libération conditionnelle, soit 3,9 % de la population carcérale. La même année, 637 détenus sont allés à fond de peine.

On notera que c’est la deuxième fois en deux mois à peine que la politique gouvernementale en matière de justice est massivement contestée par les acteurs de l’institution judiciaire.

En juin, plusieurs d’entre eux avaient cosigné une lettre ouverte en forme de SOS. On retrouvait parmi les auteurs de cette missive les mêmes personnes que cette fois-ci plus le président de l’Association des directeurs des prisons francophones et la porte-parole de l’Association des directeurs de maisons de justice.

Ils estimaient que les choix posés par le gouvernement fédéral s’agissant des prisons, de l’application de la loi Salduz, de la mise en œuvre de l’aide juridique, de l’informatisation de la justice et d’autres dossiers encore allaient entraîner une diminution de la sécurité des citoyens, une déshumanisation de la justice et une mise en péril de tout le système pénal. Les voici qui reviennent à la charge en bloc. Ce n’est pas anodin.

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