"Il faut sauver l’aide juridique"
2012, une année mouvementée pour la Justice. Et 2013 ne s'annonce pas plus rose. L'occasion de faire le point avec Robert Baerdemaeker, qui assure jusqu’en août prochain la présidence d’Avocats.be, l’ancien Ordre des barreaux francophones et germanophone.
- Publié le 02-01-2013 à 07h27
- Mis à jour le 02-01-2013 à 09h47
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2012 a été une année mouvementée pour la Justice, entre les grèves des avocats pro Deo, la difficulté d’assurer la présence d’un conseil dès le premier interrogatoire (loi Salduz), les soubresauts dans les prisons
En filigrane de ces mois difficiles, une épure budgétaire très étriquée - crise oblige. Et 2013 ne s’annonce pas vraiment plus rose. L’occasion de faire le point avec Robert Baerdemaeker, qui assure jusqu’en août prochain la présidence d’Avocats.be, l’ancien Ordre des barreaux francophones et germanophone.
Me De Baerdemaeker, l’année 2012 a vu les avocats francophones et germanophones impliqués dans le système de l’aide juridique (soutien gratuit aux plus démunis) faire grève et votre organisation se battre en vain pour le maintien des rémunérations des avocats pro Deo à la hauteur de ce qu’elles étaient en 2010. Un échec cuisant ?
Je veux me montrer optimiste. Le message de la nécessité du maintien en vie du dispositif de l’aide juridique, inscrit dans la Constitution je le rappelle, commence à passer chez tous les responsables politiques.
Certains ont pu croire que les avocats continuaient à vivre sur un grand pied, comme au XIXe siècle, et que l’indemnisation des avocats pro Deo tenait du gadget. Autrement dit, que nos revendications n’avaient pour but que de permettre à nos membres de gagner davantage.
Ils réalisent aujourd’hui que ce n’est pas vrai, que nombre d’avocats ont des revenus modestes et qu’indemniser à une hauteur décente les prestations des pro Deo n’est pas un scandale mais bien une nécessité pour garantir à tous les justiciables un légitime accès à un système de qualité, voulu par la loi.
Un système dont la Belgique a pu être fière mais qui, ces vingt dernières années, n’a pas connu de réels progrès, au contraire de ce qui s’est passé aux Pays-Bas, au Royaume-Uni ou en Allemagne.
La ministre de la Justice, Annemie Turtelboom, vous a fait des promesses qu’elle n’a pas pu ou voulu tenir. Qu’en pensez-vous ?
Nous avons vécu une année difficile. La grève décidée en mai a été handicapante. Nous croyions que la situation serait débloquée lors du conclave budgétaire de juillet. Puis qu’elle progresserait lors des négociations budgétaires de novembre.
Rien de tout cela ne s’est passé et cela a conduit à une crispation et même à une défection de nombreux avocats, qui n’acceptent plus de consacrer vingt pour cent de leur temps de travail voire davantage à accomplir des tâches qui ne sont plus décemment rémunérées.
C’est très inquiétant, d’autant plus que nous avons fait des propositions concrètes pour réformer de façon équilibrée le système de l’aide juridique, comme l’instauration d’un ticket modérateur qui, je crois, est une bonne piste car elle devrait faire réfléchir celui ou celle qui compte aller devant un tribunal.
Nous n’avons pas tout de suite réalisé que la ministre Turtelboom ne connaissait pas bien le monde de la justice, ni qu’elle consacrerait autant de temps et d’énergie à la constitution d’une majorité à Anvers.
Nous avions la candeur de croire qu’elle était, naturellement, "notre" ministre, c’est-à-dire "notre" porte-parole auprès du gouvernement. Quand nous nous sommes rendu compte que ce n’était pas le cas et qu’elle ne nous défendait pas, pas plus qu’elle ne défendait les magistrats ou les gardiens de prison, nous sommes allés voir Elio Di Rupo et les chefs de partis du gouvernement et nous allons continuer à nous adresser à eux. Car leur accueil est positif et j’ai bon espoir qu’ils aient compris les vrais enjeux de ce dossier.
Un autre dossier est “en rade”. C’est celui qui a trait à la loi Salduz, laquelle prévoit l’assistance de tout suspect par un avocat dès son premier interrogatoire. Les permanences vivotent. Là aussi, on peut parler d’échec.
Il faut revoir l’organisation des permanences. J’ai proposé en son temps, mais j’ai été mal reçu, qu’on crée des gardes sur les lieux des interrogatoires. Plutôt que d’appeler un avocat et d’attendre son arrivée au commissariat, il vaudrait mieux en installer un ou deux, payés au forfait, dans des locaux centralisés, là où c’est possible.
Toujours est-il qu’on attend toujours la concrétisation d’un arrêté ministériel, prêt depuis plus d’un an, et qui prévoyait l’indemnisation des praticiens concernés par les permanences.
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