Gros casse-tête pour la sécurité
Sommet européen à Bruxelles, manifestation des fonctionnaires, grève des gardiens de prison, réquisition des polices locales : la journée sera compliquée en matière de sécurité.
Publié le 07-02-2013 à 04h15 - Mis à jour le 07-02-2013 à 11h10
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Les syndicats organisent, en front commun, une grève de 24 heures dans toutes les prisons du royaume ce jeudi. Elle prendra fin vendredi à 6 heures du matin.
1Pourquoi cette grève ? Michel Jacobs, secrétaire fédéral CGSP-Prisons, nous expliquait, mercredi, que les gardiens de prison entendaient participer à la manifestation des fonctionnaires fédéraux (on attend 8 000 personnes) prévue ce jeudi à Bruxelles. Pour rappel, les fonctionnaires entendent protester contre la façon dont les traitent le gouvernement Di Rupo en général et le secrétaire d’Etat à la Fonction publique Hendrik Bogaert (CD&V) en particulier. Ils se plaignent de "la réduction drastique et aveugle des effectifs et des moyens". M. Jacobs indique qu’il est impossible pour les gardiens de prison de prendre des jours de congé et de repos. "C’est pourquoi nous avons déposé un préavis de grève pour le 7 février." Comme les autres fonctionnaires, les agents pénitentiaires sont très remontés à l’égard de M. Bogaert. Celui-ci a récemment dénoncé l’absentéisme qui régnerait dans leurs rangs (il l’a chiffré à 9 % en moyenne) et a réaffirmé qu’il souhaitait que le personnel pénitentiaire travaille 38 ou 40 heures au lieu de 36,5. "Il ne connaît pas ses dossiers", scande Michel Jacobs. "Nous travaillons 36 heures et non 36,5 et c’est le fruit d’un accord avec le fédéral, accord qui tient compte de la pénibilité de notre travail, de la surpopulation carcérale et de l’insécurité qui règne dans les prisons. Quant à l’absentéisme, il s’explique en partie par les séquelles des agressions dont sont régulièrement victimes les gardiens, lors d’évasions notamment, et par leur présence à des sessions de formation."
2Pourquoi les policiers n’entendent-ils pas remplacer les gardiens grévistes ? Quand les gardiens se croisent les bras, ce sont les policiers qui sont dépêchés dans les prisons pour y assurer la sécurité et remplir les missions de base des agents pénitentiaires. Des tâches pour lesquelles les policiers disent n’être pas formés, ce qui conduit à d’inévitables tensions. Ainsi, en septembre 2009, à l’occasion de deux grèves à la prison de Forest, des exactions très graves avaient-elles été commises par des policiers sur des détenus. Des gardiens et le directeur, qui essayaient d’intervenir, avaient même été menacés par des policiers cagoulés. Plusieurs d’entre eux ont été renvoyés en correctionnelle pour ces faits. Quoi qu’il en soit, cela fait des mois que les policiers dénoncent cette situation et se plaignent qu’aucune solution n’ait été apportée. "La justice doit régler ses problèmes structurels et arrêter de toujours compter sur la police", déclarent-ils en substance. Toujours est-il qu’ils ont déposé un préavis de grève courant jusqu’au 1er mars. Les syndicats critiquent les politiques qui, disent-ils, "estiment que les policiers ont d’autres choses à faire que de remplacer les gardiens grévistes mais lancent des réquisitions pour obliger ces mêmes policiers à le faire". S’il y a des réquisitions, elles seront attaquées devant les tribunaux administratifs, a indiqué le SLFP-Police. "Je comprends leur réaction", commentait Michel Jacobs, "mais je rappelle que la réforme des polices s’est faite sur la base d’un coefficient territorial tenant compte, pour ce qui est des effectifs, de la présence sur le territoire des zones de police d’infrastructures comme un établissement pénitentiaire, un palais de justice etc. Pour le reste, nous sommes prêts à discuter avec les policiers, la ministre de la Justice et celle de l’Intérieur mais qu’on ne nous demande pas de nier notre droit à faire grève".
3Faut-il instituer un service minimum dans les prisons ? Les négociateurs qui s’attelaient, fin 2011, à la constitution d’un gouvernement y ont songé mais ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord. La question revient toutefois régulièrement sur le tapis. Certains partis sont favorables à une telle solution. Elle est également privilégiée par le Comité de prévention de la torture et la Ligue des droits de l’homme (lesquels songent, avant tout, au sort des détenus) et par l’Association syndicale des magistrats. Mais les syndicats y ont toujours été hostiles. Selon eux, les protocoles visant à réguler les conflits sociaux mis sur pied en 2010 devraient suffire. Michel Jacobs nous rappelait, mercredi, qu’il y a toujours du personnel non gréviste pour assurer le service aux détenus et que les directions, elles, ne font pas grève. "Les établissements ne sont donc jamais laissés totalement sans surveillance" , indique-t-il. "Au lieu de parler d’un service minimum, les politiques feraient bien de s’attaquer aux vrais problèmes des prisons, la vétusté des bâtiments, la surpopulation, l’insécurité, le manque d’encadrement. S’ils le faisaient, il y aurait moins de grèves" , tonne Michel Jacobs. De leur côté, les syndicats policiers ont toujours écarté l’idée d’un service minimum, "incompatible avec le droit de grève". Ils plaident en faveur de la mise en place d’une unité distincte au sein de l’administration pénitentiaire.
4Faut-il confier la gestion des prisons au privé ?
Plusieurs dirigeants politiques y songent et quelques firmes, comme la société G4S, spécialisée dans le secteur de la sécurité, et qui a, en son temps, offert ses services à l’Etat belge. Jusqu’à présent, l’idée s’est toujours heurtée à l’opposition des syndicats des surveillants de prison mais aussi à de nombreux acteurs de la justice. Thierry Marchandise, de l’association syndicale des magistrats, nous répétait encore récemment qu’il s’agit "d’une mauvaise idée car le privé poursuit des objectifs de profit dont la gestion du temps pénitentiaire ne peut s’accommoder" . Mercredi, Michel Jacobs nous répétait que la surveillance des détenus constituait une fonction régalienne qu’on ne pouvait pas confier au privé. "Que les politiques aillent visiter les prisons anglaises privatisées. Ils verront ce qui s’y passe."