Jean-Pierre Lutgen: "Dans la vie, vous rencontrez des anges et des diables"
"Mon frère (Benoît Lutgen, président du cdH) m’a gardé une rancune tenace". Le Belge Jean-Pierre Lutgen incarne le phénomène Ice-Watch. Mais la réussite suscite de nombreuses tensions. Une interview exclusive de Paris-Match.
Publié le 28-02-2013 à 09h36 - Mis à jour le 28-02-2013 à 12h29
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Le Belge Jean-Pierre Lutgen, le frère du président du cdH, incarne le phénomène Ice-Watch. Mais la réussite suscite de nombreuses tensions. Une interview exclusive de Paris-Match. Morceaux choisis:
L'ancrage de la marque à Bastogne a failli être mis en péril...
En effet. L'épicentre est là. Si, demain, nous devions déménager à Luxembourg ville ou à Bruxelles, je perdrais la moitié de mon équipe et tout l'esprit qui anime Ice-Watch. Je l'aurais fait si cela avait été nécessaire et puisqu'on semblait m'y pousser, mais je l'aurais fait contraint et forcé. Luxembourg n'aurait pas été une sinécure, vous connaissez bien la région...
Bien sûr, mon arrière-grand-père était luxembourgeois. Mon nom a une consonance luxembourgeoise. J'aime et connais bien ce pays. Les Grand-Ducaux ont toujours eu l’intelligence de choisir des Premiers ministres d’une grande valeur intellectuelle et multilingue. Pierre Werner, Gaston Thorn, Jacques Santer et Jean-Claude Junker ont fait d’un petit pays sans atout une réelle place économique et financière. Comme quoi la politique est importante pour le devenir des autres. Mais soit. Nous allons, je l’espère, trouver une solution à Bastogne grâce à l'un de mes « anges ».
J'estime qu'on rencontre dans la vie des anges, qui vous aident et vous veulent du bien, et puis des « diables », ceux qui vous perturbent en permanence et font en sorte que vos projets n'avancent pas. En l'occurrence, celui qui m'a aidé est Christian Marbehant, ingénieur de la firme Gerec, qui avait travaillé sur le projet d'installation à Bastogne. Lorsqu'il a vu le désarroi au sein de nos équipes, il a décidé de nous céder ses propres bureaux. Il ne voulait pas qu'Ice-Watch soit délocalisée. Rien n’est encore signé mais, entre Ardennais, une parole est une parole.
Revenons à ce frein venu des autorités locales...
Nous avions acquis quatre bâtiments sur la place MacAuliffe, la principale de Bastogne. Nous souhaitions en restaurer deux et en détruire deux. Le permis nous a été refusé. On voulait faire deux bijoux de ces quatre bâtiments dont deux étaient désaffectés, plus personne ne les occupait depuis dix ou quinze ans. Les bâtiments étaient bien situés et, dans une petite ville comme Bastogne, on ne peut pas louer facilement du mètre carré. Les nouvelles autorités communales - le collège échevinal et la majorité cdH - se sont retranchées derrières raisons urbanistiques. Quand on veut dire non, il y a toujours moyen.
Vous mettez ça sur le compte d'une certaine rancœur ?
Jalousie et revanche. J'étais potentiellement candidat aux dernières élections même si je ne me suis finalement pas présenté malgré un appui très large. J'avais pris position pour le développement de Bastogne en dehors de certains clivages. Certains qui arrivent au pouvoir ne savent pas mettre leurs rancunes de côté.
Vous faites allusion à votre frère Benoît Lutgen, bourgmestre depuis 2012...
Je n'ai pas été candidat, ce qui lui a permis d'avoir une victoire sereine et éclatante. J'espérais en retour une certaine fraternité. Ou tout du moins une forme de neutralité et soutien.
Vous étiez-vous entendus lors de votre retrait politique ?
Non, je l’avais invité il y a quelques années à me rencontrer pour avoir un gentleman agreement. Mais il a toujours refusé les rendez-vous. Je le regrette vivement.
Enfants, aviez-vous des frictions ?
Pas du tout. Très jeune, on s'amusait beaucoup. A la base, l'esprit de compétition était très sain. Ça oblige à se surpasser. Je suis d'ailleurs convaincu qu'on aurait pu échanger nos parcours. Nos premières tensions remontent en réalité à 2003, quand le PSC est devenu cdH. Nous étions tous deux candidats. J'avais une vision plutôt de centre droit et lui de centre gauche. Il m'en a gardé une rancune tenace.
Votre père a-t-il souffert de ces tensions ?
Bien sûr. Je pense par ailleurs que mon frère est mal entouré. Personne dans son entourage n'a fait quoi que ce soit pour arranger les choses. Le collège a une vue étroite et très provinciale, voire villageoise.
Peur d'une tête qui dépasse ?
C'est tout à fait cela.
Découvrez l'intégralité de cette interview exclusive dans le dernier numéro de Paris-Match.
L'interview exclusive de Jean-Pierre Lutgen est à découvrir dans Paris-Match