"On a fêté le Ramadan, puis il est parti"
A Vilvorde, trente jeunes ont été enrôlés pour la Syrie. Le cas de Sabri, 19 ans, approché dans un bar à chicha de Bruxelles.
Publié le 31-08-2013 à 05h42 - Mis à jour le 02-09-2013 à 10h53
La rentrée scolaire, à Vilvorde, sera particulière. Il s’agira de faire le compte des jeunes qui sont partis faire le jihad en Syrie et qui ne seront pas présents à la rentrée des classes. Une trentaine au total de jeunes de cette commune de la grande banlieue bruxelloise sont déjà partis, provoquant un mini-séisme dans cette commune qui fut longtemps le fief de Jean-Luc Dehaene (CD&V) et qui est maintenant gérée par Hans Bonte (SP.A). "La crainte, c’est que ce n’est pas fini", a dit le bourgmestre socialiste à la RTBF. "Car on sait qu’un groupe d’une quinzaine de jeunes est en train de se radicaliser". Une cellule Syrie a même été créée à la police communale.
Pourquoi Vilvorde ? La Libre Belgique a rencontré vendredi la mère de l’un des jeunes partis cet été en Syrie, Sabri, 19 ans. Pour cette assistante sociale, arrivée en Belgique à l’âge d’un mois, la nouvelle du départ de son fils, le 12 août, a été un choc total. Elle en tremble encore et couche dans son carnet ses pensées pour ne pas voir le sol se dérober sous ses pieds.
"Vilvorde est un petit peu l’entonnoir de Bruxelles et des alentours", dit-elle. "Et comme Anvers a été tellement salie par l’affaire Belkacem (ndlr, le porte-parole de Sharia4Belgium), beaucoup sont venus ici, notamment des Pays-Bas. De plus beaucoup de jeunes exclus des écoles bruxelloises traînent à Vilvorde".
Approché dans un bar à chicha
n’avais plus de nouvelles de lui depuis huit jours. Il m’a expliqué qu’il devait faire des kilomètres pour trouver du réseau. Il m’a dit qu’il aidait ses frères en Syrie. Je me suis fâchée. Je lui ai dit : on est tous à terre et tu as le culot de me téléphoner avec le sourire aux oreilles, en me demandant si cela va. Finalement, j’ai raccroché, de rage".
Sabri ne serait pas encore engagé dans les combats. Ses recruteurs lui demandent de faire la cuisine et la vaisselle. Mais sa mère sait qu’il va être formé au maniement des armes, lui "qui a peur d’une araignée". Il y a aussi des indications que son fils n’est pas libre de ses mouvements ni de ce qu’il dit. L’un des jeunes de Vilvorde, Tarik Taketloune, 23 ans, a été tué dans son sommeil en Syrie parce qu’il avait fait part de son intention de revenir en Belgique.
Des filles pour les combattants
Un autre cas avéré de départ de Vilvorde cet été est celui d’une jeune fille de 16 ans. Elle serait partie pour se "marier" sur place. Certains salafistes considèrent en effet qu’un jihadiste se bat mieux s’il est engagé dans une relation avec une femme. Voilà pourquoi ceux-ci encouragent le concept de "jihad du nikah", un adultère autorisé de dix minutes à 90 ans.
Cet adultère, encouragé par une fatwa d’un dignitaire religieux saoudien, Cheikh Mohammed al-Arifi, a pour but "de permettre aux combattants d’exercer leur droit aux rapports sexuels, ce qui renforce leur courage et augmente leur capacité et leur moral dans le combat", selon les auteurs de la fatwa.
Les combattants étrangers sont crédités d’avoir introduit dans le conflit syrien, via des groupes comme le Front Al-Nosra ou les brigades Ahrar al-Sham, des techniques d’engins explosifs à distance, en raison de leur expérience en Irak et en Afghanistan.
Le risque est évidemment que les jeunes Belges partis là-bas comme Sabri acquièrent progressivement une expérience militaire et terroriste. Mais il existe une vingtaine de groupes salafistes opérant dans le pays, avec des revendications diverses. L’Armée syrienne libre (ASL) a tenté, par des accords, d’utiliser leurs compétences tout en essayant de les museler.
La population syrienne se méfie de ces groupes étrangers mais en a aussi peur car plusieurs d’entre eux veulent imposer un état islamique, ranger les chiites du côté de l’ennemi et imposer la sharia dans un pays jusqu’ici l’un des plus ouverts du Moyen-Orient.