"Il faut raccourcir la durée des procès d’assises"
C’est l’avis de Me Sven Mary, qui avance des arguments juridiques et financiers.
Publié le 30-09-2013 à 05h40 - Mis à jour le 02-10-2013 à 17h42
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Cette semaine s’est achevé, devant la cour d’assises de Bruxelles-Capitale, le procès de Frédéric M’Lembakani, Christian Lumu Akutu et Milton Roberto. Les trois hommes ont été reconnus coupables d’un vol de voitures avec la circonstance aggravante d’avoir commis trois meurtres, celui de l’avocat Michel Devleeschouwer, de sa femme Françoise Grumbers, et de leur fils Nicolas Devleeschouwer, à Wemmel, en novembre 2010.
Conseil de Frédéric M’Lembakani, Me Sven Mary a, à l’occasion de ce procès d’une durée de près de trois semaines, plaidé pour une réforme de la cour d’assises qui aille vers un raccourcissement des sessions. "Pas pour tous les procès , commente-t-il, mais pour ceux où les accusés sont en aveux et où les éléments objectifs du dossier sont simples et clairs. Ce qui était le cas en l’espèce. D’ailleurs, nous n’avons pas plaidé sur la culpabilité de notre client."
"La cour d’assises de Bruxelles-Capitale est embouteillée , poursuit l’avocat. L’auteur d’un crime commis en septembre 2013 n’a aucune chance de passer devant ses juges avant fin 2015, début 2016. Mon client était en prison depuis 2010. Il a fait de la préventive pendant près de trois ans avant d’être jugé. On est loin du principe du délai raisonnable consacré par la Cour européenne des droits de l’homme. Toutes choses qui militent en faveur de procès d’assises plus courts."
Me Mary développe également un argument d’ordre financier : "Voyez les moyens humains qui ont été déployés pendant trois semaines. Un magistrat de la cour d’appel et deux magistrats d’instance, qui ont été détournés de leurs tâches habituelles, le représentant du ministère public, une quinzaine de membres du personnel de sécurité et huit avocats pro Deo ont été mobilisés. Cela a coûté des dizaines de milliers d’euros à l’Etat et donc aux contribuables."
"La procédure aux assises est une bonne procédure. Les principes du contradictoire et de l’oralité des débats sont de bons principes. Mais tout cela me paraît dépassé à une époque où la criminalité est telle que de plus en plus de crimes arrivent devant les assises. A Bruxelles, une seule cour ne suffit plus."
Pourquoi ne pas en créer une deuxième ? "C’est impossible sur le plan budgétaire. Il faudrait doubler les postes de magistrats, augmenter le personnel, gonfler le corps de sécurité. Impensable, évidemment. Non, il faut une nouvelle loi qui réorganise la procédure dans des cas déterminés" , conclut Me Mary.
Me Jean-Philippe Mayence, autre pénaliste célèbre, va dans le même sens que son collègue, mais avec des nuances. "Il est impératif de réformer la cour d’assises, mais en prenant en compte le principe de l’oralité des débats. On ne peut demander aux jurés de statuer sans connaître le fin fond de l’affaire. Leur faire lire le dossier est impossible; donc, il faut leur livrer un maximum d’éléments pour qu’ils puissent se prononcer en connaissance de cause."
Pour autant, s’interroge l’avocat carolo, "faut-il entendre les enquêteurs pendant des jours, faut-il faire défiler cinquante témoins de moralité, alors qu’aux Pays-Bas, l’enquête de moralité suffit à l’édification du jury ? Je ne le crois pas."
Par ailleurs, Me Mayence plaide pour que l’on confie les dossiers de grand banditisme à une autre cour. "Voyez l’affaire Habran et consorts. Le procès a duré six mois. Etait-il raisonnable de distraire des jurés de leur famille et de leur travail pendant une demi-année ? Non. Ce genre de dossier doit venir devant une instance composée de juges professionnels. Les autres doivent être examinés par un jury, mais sous une forme raccourcie et moins coûteuse. Car le coût d’une cour d’assises a des effets pervers pour d’autres juridictions."
Me Mayence conclut en estimant qu’une rationalisation des procès d’assises permettrait d’ouvrir la voie à une procédure d’appel qu’un jour ou l’autre, prédit-il, la Cour européenne des droits de l’homme va imposer à la Belgique comme elle a déjà imposé que le jury motive son verdict.