Du "Patriote" à "La Libre Belgique"…
Dès ce dimanche, la Belgique entame un vaste programme de commémorations du centenaire de 1914-1918. "La Libre" se devait de marquer le coup à cette occasion pour d’évidentes raisons historiques : c’est, en effet, aussi un moment-clé de sa propre histoire.
Publié le 01-08-2014 à 17h43 - Mis à jour le 02-08-2014 à 14h03
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Encore libre puis clandestin, notre journal a été à la pointe de la résistance intellectuelle. Dès ce dimanche, la Belgique entame un vaste programme de commémorations du centenaire de 1914-1918. "La Libre" se devait de marquer le coup à cette occasion pour d’évidentes raisons historiques : c’est, en effet, aussi un moment-clé de sa propre histoire.
Né comme "Le Patriote" en 1884, à l’initiative de Victor et Louis Jourdain, celui-ci cessa de paraître après l’invasion allemande pour renaître en 1915 comme "La Libre Belgique", un journal clandestin bien décidé à renvoyer les Allemands le plus vite possible outre-Rhin.
Un titre à dessein en contrepoint de "La Belgique", une gazette "embochée" et collaborationniste ! "La Libre Belgique" se profila comme "bulletin de propagande patriotique" et parut à 171 reprises de manière "régulièrement irrégulière" . Au péril de la vie de ses promoteurs, la famille Jourdain en tête, qui était dans le collimateur allemand avec ses proches, mais aussi des ecclésiastiques qui n’avaient pas froid aux yeux.
Le premier des clandestins
"La Libre Belgique" ouvrit la voie à la résistance intellectuelle suivie de 65 autres titres tant en français - surtout… - qu’en néerlandais. Son premier numéro parut le 1er février 1915, le tout dernier le 12 novembre 1918…
On aura l’occasion de revenir sur le centenaire proprement dit de cette initiative éditoriale qui ne pouvait porter de meilleur nom mais il s’imposait de rendre déjà hommage à nos vaillants prédécesseurs en vous offrant dans nos éditions de ce lundi 4 août non seulement les "unes" des 4 et 5 août 1914 du "Patriote" mais aussi une sélection de six numéros emblématiques de l’action résistante du journal.
Victor Jourdain et son équipe y firent un pied de nez permanent à l’occupant dans l’esprit de Tijl Uilenspiegel, question d’entretenir le moral des Belges. Mais il s’agissait aussi de livrer des informations fiables sur les événements.
Comme l’écrivit Victor Jourdain dès le premier numéro "La Libre Belgique" sera avant tout patriotique mais pas agressive pour autant puisque par avance, il rejetait toute annexion de territoire allemand après la défaite (prévue) de l’Empire car "elle déteste être conquise" et "comprend que les autres éprouvent le même sentiment"…

"La Libre Belgique" résista pendant les deux guerres mondiales
Contrairement à d’autres titres qui adoptèrent des positions nettement moins claires voire attentistes lorsqu’ils ne versèrent pas purement et simplement dans la collaboration, la "Libre Belgique" peut se targuer d’avoir été en première ligne dans la résistance lors des deux guerres mondiales. Sans doute, la presse clandestine ne parvint-elle pas à précipiter la fin des conflits, mais il ne fait pas de doute que ce fut une forme de résistance moralement importante. Dans son récent ouvrage "14-18, Dans le dos des Allemands" (chez Racine) consacré à la résistance sous toutes ses formes, le lieutenant-colonel Engels, par ailleurs grand expert belge de la bataille des Ardennes, précise que ce fut en fait un combat de tous les jours.
Travail de sape permanent et récurrent
Et même si "La Libre Belgique" de 1915-1918 ne parut que 171 fois, il n’en est pas moins vrai que "la presse clandestine affecta fortement l’ennemi, lui montrant chaque jour qu’il ne réussirait pas à soumettre le peuple belge à ses volontés".
En même temps Emile Engels rappelle que la presse clandestine vit aussi beaucoup des siens tomber au champ d’honneur.
Combien ? C’est pratiquement impossible à chiffrer, car ceux qui en assuraient la rédaction ou la diffusion, comme les agents de renseignements et d’action, militaient aussi souvent dans d’autres formes de résistance. Mais avec une certitude : "servir dans la presse clandestine était extrêmement dangereux car la preuve matérielle de la désobéissance aux lois de l’ennemi était manifeste : scripta manent, les écrits restent" …
Emmanuel Debruyne, historien à l’UCL, a resitué l’histoire de la presse clandestine en 14-18 sur le site du Cegesoma. Pendant les premiers mois de la guerre, elle consista surtout en l’importation de journaux étrangers non soumis à la censure mais "La Libre" donna le coup d’envoi d’une presse militante spécifique. Certains numéros de LLB furent diffusés à 20 000 exemplaires et cela dans tout le pays…