L'école coûte (trop) cher dès septembre
La non-gratuité "met vraiment des familles en grande difficulté" , insiste pour sa part Delphine Chabbert, directrice du service Etude et action politique de La Ligue des familles. Des initiatives existent pour réduire les dépenses.
Publié le 14-08-2014 à 12h27 - Mis à jour le 14-08-2014 à 12h35
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En juillet 2013, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté une série de mesures relatives à l’enseignement obligatoire, dont l’une vise à encadrer plus strictement les frais scolaires demandés aux parents à la rentrée. Une circulaire, d’application depuis septembre 2013 dans l’enseignement secondaire, oblige ainsi les écoles à fournir aux parents un décompte détaillé (mensuel ou trimestriel) des frais qui leur seront réclamés. Une facture garante de davantage de transparence, qui sera aussi de mise dans l’enseignement fondamental en 2015.
Le loyer passe à la trappe
Pour Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, "l’annonce des coûts, une facture détaillée sont de bonnes pistes pour une moyenne, mais il y a des familles que cela n’aide pas beaucoup" . Elle s’explique : "Si la situation matérielle et financière d’une famille précarisée ne change pas, disposer d’un décompte des frais scolaires ne va rien changer dans son organisation fondamentale quotidienne. Il faut donc aller vers la gratuité totale !"
Car la non-gratuité "met vraiment des familles en grande difficulté" , insiste pour sa part Delphine Chabbert, directrice du service Etude et action politique de La Ligue des familles. "La non-gratuité affecte lourdement le portefeuille , reprend Mme Mahy, mais elle affecte aussi le portefeuille de l’ensemble de l’organisation de la famille" . Il arrive ainsi à certains parents de devoir reporter le payement de leur loyer - avec ou sans négociation avec le propriétaire - pour s’acquitter des frais scolaires de leur(s) enfant(s).
Achats de matériel groupés
"La non-gratuité pollue en outre la relation triangulaire parents-enfant-école , poursuit-elle, car elle pollue une relation constructive avec l’école : certains parents adoptent des conduites d’évitement de l’école à certains moments de l’année pour ne pas être abordés par un enseignant, un éducateur… sur les frais à régler." "Pire , regrette-t-elle, pour éviter à leurs parents de payer, des enfants se disent malades quand il y a une sortie au théâtre ou mentent à leurs familles sur les sommes réclamées par l’école" . Conséquence ? "Une relation de méfiance et de défiance s’établit entre les familles et l’école."
Tout n’est pas pour autant négatif. Des initiatives prennent vie pour faire baisser les coûts de scolarité. "Vingt pourcent des parents participent à un groupement d’achat de fournitures scolaires" , indique Delphine Chabbert. Comme en témoigne Jacques, papa de trois enfants : "Pour la 3e maternelle, l’institutrice demande 25 euros pour chaque élève et va acheter elle-même le matériel qu’elle souhaite. De cette façon, elle a un prix de gros, tous les enfants ont le même matériel et ils sont tous en ordre en même temps !"
Des parents agissent aussi de leur propre chef. Emmanuelle raconte : "Je n’achète les cartables qu’en seconde main et les change tous les trois ans. Je récupère tout le matériel de l’année précédente, retaille les crayons et recouds les trousses" . Cécile, elle, effectue ses achats pour la rentrée des classes dans plusieurs magasins : "Je note les prix et les promos du moment et j’achète en grosse quantité dans le magasin qui est le plus intéressant" .
Propositions à la ministre Milquet
Peu à peu, des initiatives se mettent en place pour réduire les frais scolaires (lire ci-contre). Pour La Ligue des familles, "tendre vers la gratuité, c’est possible" . Mais, consciente que "le chemin sera très long pour y arriver, il faut avancer par étapes" . "Les conclusions de cette étude et celles recueillies lors de nos précédentes enquêtes nous encouragent à continuer à interpeller la ministre de l’Enseignement Joëlle Milquet (CDH) et à lui faire les propositions suivantes."
1 Mieux informer les parents. 95 % des parents ne connaissent pas les règles en matière de frais scolaires (lire ci-contre). La Ligue des familles demande la distribution de documents clairs et accessibles. Elle souhaiterait en outre un contrôle plus systématique des écoles qui demandent des frais illégaux et l’application des sanctions prévues.
2 Systématiser les payements informatisés. Pour éviter aux enfants d’être confrontés à des transactions financières, La Ligue propose d’interdire tous les payements en liquide. Et demande de systématiser les payements électroniques.
3 Instaurer une liste des frais autorisés. Pour La Ligue, la liste actuelle des frais autorisés, facultatifs et interdits est trop complexe. Elle propose donc de renverser la logique et d’opter pour une liste limitative des frais autorisés. De cette façon, tout ce qui ne s’y trouve pas serait interdit.
4 Introduire des plafonds pour les frais scolaires. La Ligue demande la mise en place d’un groupe de travail chargé de définir des plafonds (comme il en existe déjà en Flandre) sur deux axes : les voyages scolaires et les fournitures.
A savoir
Infractions . Selon La Ligue des familles, environ une école fondamentale (maternelle et/ou primaire) sur trois réclame des frais illégaux aux parents. Voici un petit récapitulatif de ce que le décret "Missions" prévoit.
Frais autorisés . Peuvent être réclamés des frais pour la piscine (accès et déplacement); des activités culturelles et sportives (accès et déplacement).
Frais facultatifs . Achats groupés liés au projet pédagogique; activités facultatives avant ou après l’école liées au projet pédagogique (comme une activité photo à la garderie); abonnements à des revues. "Ces frais peuvent être demandés aux parents qui ont le droit de ne pas les payer , précise La Ligue, sans que leur enfant ne soit pénalisé" .
Frais interdits . Photocopies, journal de classe, prêt ou achat de livres, frais liés au fonctionnement ou l’équipement de l’école (location d’une salle de sport,…); frais pour la délivrance des bulletins scolaires et diplômes. La Ligue des familles informe : "Ces frais sont totalement illégaux. Les parents peuvent porter plainte pour que l’école soit amenée à rembourser les frais demandés" .