Des étudiants en droit pour sauver l’aide juridique?

Une expérience de "legal clinic" va être initiée à l’Université de Gand. Des étudiants vont se muer en avocats. Supercherie ou solution d’avenir ?

Jean-Claude Matgen
ASS HLN Examenstress 2e zit Ugent, er heerst een gespannen sfeer tijdens het examen economie. PICTURES NOT INCLUDED IN THE CONTRACTS
ASS HLN Examenstress 2e zit Ugent, er heerst een gespannen sfeer tijdens het examen economie. PICTURES NOT INCLUDED IN THE CONTRACTS ©Photo News

Dans un article déposé sur le site de "justice-en-ligne" et prolongeant celui qu’elle avait écrit, fin juin, dans le "Journal des tribunaux", l’avocate bruxelloise Sophie Colmant évoque les "legal clinics".

Autrement dit, elle s’intéresse aux départements d’une faculté de droit dirigés par des professeurs-avocats et qui poursuivent un double objectif, pédagogique et social.

Un projet pilote va commencer à Gand

En vérité, les étudiants qui y sont inscrits se voient offrir la possibilité de travailler sur des cas réels, sous la supervision de leurs profs. Ils mettent ainsi en pratique les notions théoriques enseignées au cours. Le but est de parfaire leur formation.

Mais il y a plus. Comme il s’agit de cas concrets, les étudiants se retrouvent face à des justiciables, souvent défavorisés, qui reçoivent de la sorte une assistance gratuite.

La formule est née aux Etats-Unis au début du XXe siècle, explique Me Colmant. "Ce n’est toutefois que dans les années 1960 que les legal clinics se sont multipliées sous leur forme actuelle. Elles sont maintenant très répandues outre-Atlantique", ajoute-t-elle.

D’autres pays ont commencé à adopter le concept à partir des années 1970 puis de manière plus systématique dans les années 1990 (Royaume-Uni, Afrique du Sud, Pologne, etc.).

En Belgique, il n’existe pas encore de legal clinic à proprement parler, mais un projet pilote orienté vers des dossiers de défense des droits de l’homme devrait voir le jour dans le courant de l’année académique 2014-2015 à l’Université de Gand.

Aux yeux de Me Colmant, l’intérêt pédagogique d’un tel dispostif est indéniable. Les étudiants peuvent intervenir dans différents types de dossiers. Ils rencontrent le client avec le professeur, effectuent des recherches, rédigent des écrits de procédure et dans certains cas, quand cela est permis, représentent, avec le professeur, "leur client" devant les juridictions.

Mais il y a l’autre volet, social celui-là. "Les dossiers étant traités gratuitement, les services fournis aux justiciables sont une forme d’aide juridique", observe l’auteur.

Domaines variés

Au début, cette aide n’était que la conséquence d’un système dont le but premier était de dispenser un enseignement "clinique". Mais aux Etats-Unis, on en est à créer des entités qui développent des activités d’aide juridique sans lien académique.

Les professeurs-avocats et leurs étudiants viennent en aide à certaines catégories de justiciables dans le respect de la politique et des valeurs défendues par l’université, explique Me Colmant.

Les domaines traités sont variés : conflits conjugaux, femmes ou enfants victimes d’abus, litiges locatifs, surendettement, aide aux PME en difficultés, défense pénale, droits de l’homme, jeunesse, environnement, etc. Le spectre est très large et les sujets peuvent se révéler très sensibles.

Il arrive, aux Etats-Unis, que les legal clinics mènent deux combats de front : la défense des intérêts de leurs clients et le lobbying législatif, en formulant des propositions concrètes de réformes.

Question posée par Me Colmant : les legal clinics se sont d’abord développées dans des pays où l’aide juridique est balbutiante. A quoi bon l’encourager dans des pays où l’aide juridique est accessible au plus grand nombre, comme c’est le cas en Belgique ? Réponse : "L’actualité des dernières années, nous renvoyant systématiquement l’image d’avocats "pro Deo" en colère réclamant un refinancement d’une aide juridique à bout de souffle, démontre la nécessité d’une réflexion plus profonde sur la mise en œuvre optimale du droit à l’accès à la justice".

Les legal clinics pourraient donc être envisagées comme un ballon d’oxygène.

De nombreux obstacles

Cela dit, Me Colmant n’est pas dupe : avant de voir des justiciables frapper aux portes des universités, de nombreux obstacles devront être surmontés. "Le droit belge ne permettra sans doute pas sans modification cette nouvelle forme d’aide juridique de seconde ligne", écrit-elle.

Il faudra préserver l’indépendance des professeurs-avocats; vérifier que le statut de l’étudiant intervenant dans un dossier ne contrevienne pas au monopole de représentation des avocats ou aux règles de confidentialité; mener une étude de faisabilité financière, notamment s’agissant de la supervision rapprochée des professeurs qui constituera une charge salariale supplémentaire pour l’université; trouver suffisamment de professeurs qualifiés également avocats; adapter les règles déontologiques; établir une méthode d’évaluation des étudiants, etc.

Mais Me Colmant n’en démord pas : le double objectif pédagogique et social des legal clinics mérite que l’on tente de relever le défi.

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