Les demandes d'euthanasie de détenus sont-elles liées aux conditions de détention?
L'Observatoire international des prisons pointe la responsabilité de l'Etat belge dans ces requêtes. Pour eux, les demandes d'euthanasie comme celle de Farid Bamouhammad reposent sur un choix par défaut, les demandeurs dénonçant leurs mauvaises conditions de détention.
Publié le 29-09-2014 à 15h05 - Mis à jour le 29-09-2014 à 15h20
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Le taux de suicide est de 10 à 11 fois plus élevé en prison que dans la société civile...
En réaction à l'intention de Farid Bamouhammad d'introduire une demande d'euthanasie ainsi qu'à la décision attendue lundi sur les demandes d'euthanasie introduites par Frank Van Den Bleeken interné depuis 30 ans et par 15 autres détenus (dont trois internés), Benoît Van der Meerschen, administrateur à l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, et Delphine Paci, présidente de la section belge de l'Observatoire international des prisons, pointent la responsabilité de l'Etat belge dans ces requêtes. Ils relèvent que les demandes d'euthanasie dans les cas évoqués ci-dessus reposent sur un choix par défaut, les demandeurs dénonçant leurs mauvaises conditions de détention. Selon les conditions légales de l'euthanasie, l'état du patient doit résulter d'une affection incurable devant provoquer une "souffrance physique et/ou psychique constante, insupportable et inapaisable". La plupart des demandes sont liées à des cancers avancés ou à des maladies physiques comme la sclérose en plaques. Si certaines pathologies psychiatriques de détenus internés pourraient entrer en compte, il sera plus difficile pour Farid Bamouhammad de faire attester par des médecins que ses troubles sont incurables.
Dans le cas d'un suicide assisté, les médecins se limitent à accompagner la personne désireuse de mettre fin à ses jours, sans poser l'acte ultime. Il est permis au Pays-Bas, en Suisse, au Luxembourg et dans quelque Etats aux USA. Delphine Paci rapporte que le taux de suicide est de 10 à 11 fois plus élevé en prison que dans la société civile. Ces actes sont effectués dans des conditions précaires.
"Je pense qu'il ne faut pas entrer dans ce débat, car ce serait accepter l'idée que rien ne va changer dans nos prisons", défend Benoît Van der Meerschen. "Ce qu'il faut retenir, c'est que les conditions de détention dans notre pays poussent les gens à imaginer des solutions extrêmes. Il faut faire en sorte qu'une personne privée de liberté - qui subit donc une peine assez grave - soit traitée dignement", considère-t-il. "Si la situation dans le système carcéral n'est pas reluisante, celle des internés est apocalyptique. La Belgique est régulièrement condamnée à ce sujet par la Cour européenne des droits de l'Homme. Une personne qui doit être soignée n'a pas sa place en prison", souligne-t-il.
Delphine Paci relève que sur les quelque 1.100 internés, soit plus du 10e de la population carcérale belge, 40% sont des handicapés mentaux. "Dans les annexes, les internés sont mélangés, n'ont pas de soins et sont laissés à l'abandon. Cette situation aggrave les pathologies. Faute de places, certains sont même mis dans le système carcéral 'normal'", dénonce-t-elle. "Et ce n'est pas parce qu'on construit deux centres psychiatriques médico-légaux à Anvers et à Gand, que tout va se régler. Ces quelque 400 places en Flandre sont insuffisantes. Une série de gens devraient trouver leur place dans le système traditionnel de soins", précise la présidente de la section belge de l'Observatoire international des prisons.